Que penses-tu des campagnes d’accusation de trahison des symboles de la culture syriens et arabes à cause de leurs prises de position ?
Je crois que c’est l’expression des luttes entre intellectuels. La rue syrienne et la rue arabe en général ne connaissent pas ces personnalités. Il y a une contrariété des franges de l’opposition du fait de l’éducation du régime oppresseur
Quant au second point, la rue syrienne aujourd’hui est à l’étape de la révolution et elle a besoin de positions clivées, et pas de philosophies ou d’analyses. Je crois que le point essentiel et fondamental n’est pas la position par rapport à la révolution mais par rapport au régime. Si tu t’imagines que ce régime doit tomber et que sa disparition quelques en soient les conséquences ouvre la voie à l’avenir de la Syrie est meilleur que sa survie tu dois soutenir la révolution. Il est remarquable que les intellectuels qui ont abandonné la révolution n’avaient auparavant pas développé de position radicale du régime.
Par exemple, je suis du côté de la révolution syrienne mais je diverge d’avec les forces politiques sur la tactique pour atteindre cet objectif. Tous savent que ceux qui ont fait la révolution n’appartiennent pas à des forces politiques. C’est un plus. Le peuple syrien se passera des directions actuelles et ramènera des directions efficaces qui le représentent dans une grande marge avec peu de démocratie..
Après la constitution du Conseil National et du Comité de coordination, tu as affirmé dans une conférence « le conseil national ne me représente pas pourtant je le soutiens vigoureusement ». C’est une vieille tactique tu peux voter pour une personne et l’insulter en même temps et ce dans l’affrontement avec une autre partie pour t’en débarrasser à partir du principe que ce peuple veut un changement et qu’il faut le soutenir. Qu’as-tu à reprocher aux forces politiques qui dirigent l’opposition actuellement ?
La structure du conseil national et les modalités de sa constitution. Et il a une mentalité exclusive qui ressemble à la mentalité du régime. Il a tenté de voler la révolution à ses acteurs. Quant au comité de coordination, il a perdu l’initiative depuis qu’il s’est constitué. Ses directions et son programme ne correspond pas au mouvement de la rue. Le comité de coordination était la voix de la majorité silencieuse et c’est une erreur car il y a une révolution. Le comité de coordination n’utilise pas beaucoup le mot « révolution » dans ses discours, mais l’a remplacé par celui de « crise ».
Crains-tu des réactions vengeresses de la part de l’opposition armée contre des parties précises si le régime tombe ?
Des massacres ayant un caractère confessionnel seraient liés à la façon dont le régime chute. S’il s’écroule seulement sur le plan militaire, nous assisterons à des actes de purification confessionnelle.
Crois-tu que les pays ayant des intérêts permettront aux Syriens de choisir la forme du régime pour leur nouvel Etat ?
A l’étranger on se fiche de savoir si l’Etat sera civil moderne ou religieux, on ne se préoccupe que de ses intérêts. L’occident soutient actuellement les islamistes car il n’a pas d’autre cheval à enfourcher à ce stade.
Dans les pays arabes qui connaissent un bouleversement vers la démocratie, les forces nationales vivent un problème similaire avec un courant salafiste extrémiste non négligeable; qu’en sera-t-il à l’avenir en Syrie ?
A mon avis, il n’y a pas de base salafiste en Syrie et même si elle grossissait elle n’arriverait pas au stade auquel elle est parvenue en Egypte, dans la mesure où le milieu égyptien était un vivier bien plus que la Syrie. En dépit de cela nous ne leur connaissons pas de grande influence sur le cours des événements là bas.
Le salafisme est un des problèmes dont pâtira la révolution après la chute du régime et même s’il paraissait fort après la chute du régime et avait une présence dans la rue, ce serait en lien à la réaction au confessionnalisme du régime. Aussi ce sera un grand problème dans les premières années qui suivront la chute du régime et ce sera une question passagère dans l’avenir de la Syrie. La prudence face aux courant salafistes extrémistes est une chose et la peur en est une autre. La révolution a pour projet de se débarrasser de ce régime et d’établir un régime qui lui sera supérieur sur tous les plans. Mais les forces politiques ont leurs agendas propres, les islamistes ont pour objectif l’établissement d’un Etat islamique et les forces démocratiques ont dans leur agenda l’établissement d’une Etat démocratique. Ce qui est le plus adéquat pour la Syrie à mon sens est un Etat démocratique civil, comme étape historique longue ou courte.
Dialogue réalisé par Rahim Haïder
Munif Mulhem, militant politique de gauche, considéré comme trotskyste, a commencé à militer à l’arrivée de Hafedh Al Assad au pouvoir [1970, NDLT] et il a participé à la fondation de la Ligue d’Action Communiste et du Parti d’Action Communiste. Il a milité dans la clandestinité entre 1976 et 1981. Il a été arrêté en 1981 et libéré en 1997. Il a fondé le forum de la gauche dans les années 2000 en profitant de ce qu’on a appelé le « printemps de Damas » qui a été fermé sous la pression des appareils de sécurité. Ensuite il a fondé l’organisation L’alternative contre la mondialisation en 200 et il s’active maintenant de façon individuelle et militante dans la révolution en fonction de ses possibilités, comme il le dit.
(Source : http://correspondents.org/ar/node/1742, Traduit de l’arabe par Luiza Toscane)
[1] En référence à l’appartenance d’un grand nombre de responsables du régime à la confession du Président (NDLT).