Malgré la prévalence de la violence sexuelle et une ample documentation à ce sujet, pas un de ces viols n’a été poursuivi, selon Susan Brownmiller, qui a écrit une histoire du viol et des lois sur le viol dans la culture américaine. Peut-être l’absence de poursuites est une des raisons pour laquelle les médias traditionnels ont de plus en plus minimisé ou omis l’agression sexuelle à Mỹ Lai , la mentionnant seulement en passant ou pas du tout.
Les deux documentaires PBS importants réalisés au sujet du massacre à Mỹ Lai, l’épisode « Frontline » de 1989 « N’oublions jamais Mỹ Lai », et l’épisode « l’expérience américaine » de 2010 « Mỹ Lai » ne font pas le lien (quoiqu’une femme vietnamienne dans l’épisode Frontline mentionne le viol). Dans ces deux documentaires sont inclus des entretiens approfondis avec Haeberle au sujet de cette photo.[1] Cependant, il ne mentionne jamais l’agression sexuelle. Il décrit simplement les soldats regroupant les femmes et les enfants, puis leur meurtre. Ceci en dépit du fait que PBS avait accès au rapport final de l’enquête Peers.
Plus précisément, il n’y a pas un seul cas où la photo a été sous-titrée afin de refléter l’assaut et, à l’exception de l’article original dans Life, il n’y a pas eu un seul cas où la photo a été à la fois présentée et expliquée pour inclure l’agression sexuelle. The Plain Dealer de Cleveland, dans la première publication de la photo, a omis toute référence à l’agression sexuelle. L’épisode de « The American Experience » de 2010 a aussi négligé d’en parler dans le diaporama mis en place sur leur site. La légende qui accompagne la photo sur Wikipedia n’en parle pas non plus. Et même la légende de la photo dans le musée Mỹ Lai au Vietnam ne dit pas plus que ceci:
« Les dernier moments de vie des femmes et enfants du village, rassemblés sous un arbre de coton de soie avant d’être assassinés par les soldats américains. »
Les médias américains ont continué à référencer la photo de façon générique jusqu’au quarante-cinquième anniversaire du massacre, en mars 2013. En fait, life.com a mis la photo en vedette dans le cadre d’un dispositif d’anniversaire. La légende?
Des villageois vietnamiens, y compris les enfants, terrifiés, avant d’être tués par les troupes américaines à Mỹ Lai, au Vietnam, le 16 Mars 1968.
Tenant compte des événements connus concernant l’image, ce que la photo semble montrer (à l’exception, apparemment, de la jeune femme qui referme son chemisier) sont les villageois traumatisés mais semblant légèrement soulagés suite à l’agression et la lutte entre la vieille femme et les soldats.
Une femme tient la vieille femme par derrière, mais ça ressemble à un geste de protection plutôt que de restreinte, comme si elle essayait de la réconforter. On constate que ses mains ne sont pas crispées, mais relax. Dans le fond, quelqu’un (on dirait un homme si c’est, en fait, une calvitie) touche, peut-être en caressant et en essayant de réconforter la jeune fille se serrant contre lui. Le fait qu’il la regarde suggère également que la tension s’est atténuée pendant un instant. Quant à la femme plus âgée elle-même, ses yeux apparemment toujours en colère, elle semble être plus remplie d’angoisse que de colère maintenant, les bras rétractés vers son corps et son attention, ainsi que celle de plusieurs autres, dirigée vers notre gauche, comme si elle cherchait à se ré-orienter. Et bien sûr, il y a la jeune femme derrière, protégée par les autres de tout ce qui arrive à notre gauche, en train de refermer sa blouse.
On peut se poser la question: que pouvons-nous penser de l’effacement d’information concernant cet artefact emblématique de l’histoire américaine, celle qui montre les violences sexuelles en pleine lumière? Et pourquoi est-ce que la plupart des Américains reconnaissent volontiers la « Napalm Girl » mais pas la « Black Blouse Girl? »
Valerie Wieskamp est candidate au doctorat en rhétorique de la culture publique à l’Université d’Indiana, Bloomington. Ses recherches portent sur les questions du pouvoir, du sexe, de la violence et des mouvements sociaux dans la culture visuelle, les médias et la culture politique. publié sur BagNews le 29 octobre 2013
[1] Valerie Wieskamp “Sexual Assault and the My Lai Massacre: The Erasure of Sexual Violence from Public Memory of the Vietnam War,” in Mythologizing the Vietnam War: Visual Culture and Mediated Memory, eds, Jennifer Good, Val Williams, Paul Lowe and Brigitte Lardinois (Newcastle upon Tyne, UK: Cambridge Scholars Publishing, Forthcoming December 2013).
traduction: Femke Urbain pour la LCR