À l’initiative de la Coordination des sans-papiers, de la CSC et de la FGTB, deux cents manifestants- avec et sans-papiers- zigzaguaient de ministère en ministère ce 28 mars à Bruxelles pour exiger la régularisation pour les travailleurs sans-papiers. À cette occasion, les panneaux de la station “Arts-loi” ont été symboliquement rebaptisés mardi “station des travailleurs sans-papiers” ! Pour dénoncer leur honteuse exploitation lors de la mise à quatre voies du métro, et revendiquer pour le coup (c’est bien le moins !) leur régularisation.
Ils ont travaillé pour TUNA, sous-traitant de CFE, sous-traitant de la STIB via BELIRIS. Payés en dessous du salaire minimum et ne bénéficiant d’aucune protection alors qu’il participaient aux travaux facilitant l’accès aux 4 lignes dans les tunnels, le sous-traitant a profité des failles des procédures légales en matière d’occupation des étrangers pour les exploiter. “Certains d’entre nous ont été engagés pour faire du « nettoyage » et on se retrouvait à casser des murs de 60 cm d’épaisseurs pleins de ferraille dans des conditions de travail indignes, sans gants, sans masque, sans mesures de sécurité”, explique au micro Mohammed, un des anciens travailleurs. Ironie du sort ou comble de cynisme, une opération de com (qui souhaitait mettre à l’honneur ceux qui ont participé à la rénovation !), expose aux yeux de tous les voyageurs sa photo ainsi que celle de 22 de ses camarades sur les murs de la station !
Légiférer pour enfoncer le coin des régularisations !
CSC et la FGTB soulignent que la Région a pourtant des possibilités pour légiférer, notamment dans le cadre de la transposition de la directive européenne « Sanctions », qui vise à mieux protéger les droits des travailleurs en situation irrégulière. Profitons-en pour exiger de la Région des marchés publics avec des clauses sociales qui incluent la régularisation des travailleurs sans-papiers.
So-so-so-solidarité avec les sans-papiers! C’est pas les immigrés, c’est pas les sans-papiers, c’est la loi qu’il faut changer!”. La ritournelle sonne aujourd’hui encore plus juste devant les portes vitrées du cabinet du ministre Reynders (MS), en charge de Beliris ( instance responsable de la rénovation de la station). Puis c’est au cabinet du Ministre-président du gouvernement de la région de Bruxelles-Capitale, Rudi Vervoort (PS) que nous faisons une petite halte. Et à chaque halte, une prise de parole, un témoignage, une info syndicale. On n’oublie pas non plus, en passant sous les fenêtres du secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA), de lancer rageusement quelques vibrants “Theo Francken, assassin !”. Qui viennent ricocher sur la façade du bâtiment comme sur la morgue de celui qui, il y a quelques jours encore lançait ses immondes provocations en accusant MSF d’être responsable des morts en Méditerranée. Après le passage par Arts-Loi et toujours escortés par la police, on termine notre marathon en passant par les cabinets des ministres bruxellois Didier Gosuin (Défi), en charge de l’économie et de l’emploi et de Pascal Smet (sp.a), chargé des travaux publics à Bruxelles. Bref, on s’est tapé la totale de tous ceux qui, interpellés par les syndicats face au scandale, se renvoient la balle, quoi !
Rendre visibles les invisibilisé-e-s
Nous avons défilé ainsi pendant deux heures essayant encore une fois de donner un peu de visibilité aux invisibilisé-e-s. Rappelons que chacun d’entre nous croise tous les jours en Belgique quelqu’un(e) qui appartient à cette foule de 150 000 sans-papiers (100 000 estimés, rien qu’à Bxl !), fragilisé-e-s, exploité-e-s parfois triplement ou quadruplement : comme travailleur-se qui se tape tous les sales boulots, comme sans papiers, comme racisé-e, comme femme… Tout un inframonde qui dans les pires conditions engendre de plantureux profits pour les secteurs les plus sombres de l’économie capitaliste.
Nous avons défilé fièrement au grand soleil de printemps sous le regard blasé, gêné, agacé, haineux ou simplement inquiet de passants pressés, de commerçants sur le pas de leur luxueuse boutique, d’employés sortis fumer devant leurs bureaux, de congressistes portant leur carte d’accréditation en sautoir, d’hommes d’affaire en cravate aux terrasses des restos… Le monde d’en haut, perplexe ou méprisant, regarde défiler le monde d’en bas. Mais nous, ceux d’en bas, avons appris à reconnaître les invisibles ; nous croisons leurs regards entendus, complices, curieux ou solidaires. À hauteur d’un chantier un charpentier soulève daughter casque pour nous saluer, un autre sort poser des questions. Plus loin des femmes nous sourient, poussant des chariots de linge sale à l’arrière d’un hôtel. Porte de Namur, un grand gars sanglé dans daughter maillot pistache de coursier Deliveroo s’arrête au beau milieu du boulevard pour nous filmer avec daughter smartphone puis lève le pouce avant d’enfourcher à nouveau sa bécane…