Le changement climatique est souvent vu comme quelque chose qui pourrait arriver, dans le futur. Mais il est déjà là et il détruit déjà la vie de milliers de personnes au Nigeria. Les riches bien sûr peuvent échapper à ses effets, mais invariablement c’est la classe ouvrière et les pauvres qui subissent les conséquences dramatiques du changement climatique.
Les données, collectées notamment par l’agence météorologique nigériane, révèlent que la température a augmenté de 1,1° quand les pluies, elles, ont baissé de 8,1cm depuis les 105 dernières années, à partir de 1901. Sans compter les plans d’eau asséchés, l’avancement du désert, l’érosion des côtes, le déplacement des pluies et le dérèglement pour les cultures.
Le climat global se réchauffe parce que l’humanité utilise une grande quantité de charbon, de pétrole et de gaz naturel depuis plus de 200 ans. Ces substances contiennent beaucoup de carbone et quand elles brûlent, le carbone se mélange à l’oxygène de l’air et produit le dioxyde de carbone (CO2). Plus le dioxyde de carbone se répand dans l’atmosphère et plus il stoppe l’évacuation de la chaleur dans l’espace, ce qui provoque la hausse des températures sur terre.
Non seulement la terre devient plus chaude, mais les saisons changent ; ainsi certaines régions souffrent-elles d’un manque d’eau quand d’autres sont maintenant victimes d’inondations et de tempêtes tropicales (à l’exemple de l’ouragan Katrina qui a dévasté le Mississippi en 2005).
Lac Tchad : un déclin conjugué à l’avancée du Sahara vers le Sud
Le lac Tchad était la plus grande étendue d’eau du continent africain et sa disparition est en train d’avoir un énorme impact sur les populations environnantes. Une des principales raisons de la pauvreté dans le Nord, et aussi du développement de Boko Haram, est le changement climatique.
Selon les Nations unies, le lac Tchad a diminué de 95 % entre 1963 et 1998. Du fait de son assèchement, la grande majorité des fermiers et des bergers ont émigré vers des régions plus vertes où ils sont en compétition pour les ressources de la terre avec d’autres communautés déjà présentes, ceci déclenchant des confrontations dans les environs de la ville de Jos et en d’autres lieux. Certains ont émigré à Kano, Abuja, Lagos et d’autres grandes villes et vivent de travaux domestiques ou de petits boulots dans l’économie informelle.
Ce qui reste des communautés sur les bords du lac Tchad, comme les Doron Baga, sont chassés par la vitesse avec laquelle le lac s’évapore. Les Doron Baga, initialement installés sur ses rives, sont maintenant à 20 km du rivage.
Le déclin du lac Tchad se conjugue avec l’avancée du Sahara vers le Sud ce qui détruit les terres arables du Nigeria. Le Sahara progresse de 10 km par an et les dunes de sable caractérisent désormais la désertification en cours d’États comme le Yobe, le Borno, le Sokoto, le Jigawa et le Katsina.
Sur les marchés urbains du Sud, à Onitsha, Enugu, Lagos, Ibadan, Ilorin, Benin et Ondo, les poissons du lac constituaient l’essentiel des ventes. Comme les prises se réduisent, les prix augmentent et les travailleurs de ces villes en souffrent tout comme les vendeurs.
En 1993, la région du lac Tchad produisait plus de la moitié du millet et plus d’un quart du sorgho du Nigeria. Évidemment la réduction de la production engendre une augmentation des prix et une plus grande pauvreté.
Un régime des pluies bouleversé
Il y a de notables changements dans la saison des pluies et les paysans ne peuvent plus prévoir les précipitations, ni savoir précisément quand il faut semer. Cela a déjà un impact sur la sécurité alimentaire, notamment dans le Sud du Nigeria où l’on pratique principalement des cultures pluviales. Les paysans qui, traditionnellement, plantent après la première ou la seconde pluie, en mars ou en avril, subissent de grosses pertes quand les pluies sont, du fait du changement climatique, retardées bien au-delà de la normale ou de la courte saison sèche (vacance d’août) qui arrive prématurément.
Les centrales hydroélectriques du Kanji, Jebba et Shiroro produisent, maintenant, beaucoup moins d’énergie du fait de l’excessive sécheresse qui réduit les volumes d’eau. Cela a un impact sur près du tiers de l’électricité produite dans le pays.
Le nombre de jours de pluie a chuté de 53 % dans le Nord-Est, par contre les précipitations ont augmenté dans le Sud entraînant des inondations et des crevasses qui ont détruit les champs, notamment dans les États de l’Edo et de l’Anambra. Un des plus grands impacts de ce changement est l’aggravation des épisodes extrêmes du climat comme la sècheresse, les inondations, les orages, les violentes bourrasques de vent, les tempêtes, les glissements de terrains, les avalanches et les tsunamis. On estime que la fréquence et la puissance des vents et des orages ont, non seulement augmenté, mais aussi, et surtout, tué 199 personnes et détruit les propriétés à hauteur de 85 milliards de Naira (395 millions d’euros) entre 1992 et 2007.
Entre 1950 et 1970, on a enregistré une augmentation de 50 cm du niveau de la mer le long des côtes nigérianes. Les inondations de 3400 km2 des basses terres du delta du Niger ont entraîné le déracinement de beaucoup de communautés. Le delta pourrait perdre plus de 15 000 km2 de terre d’ici 2100. Ce qui toucherait 80 % de la population, soit 14 millions de personnes déplacées.
Mais ces changements ne sont pas inéluctables, Ils sont causés par les priorités que la société s’est donnée et peuvent donc être changés.
Les mobilisations qui ont eu lieu à l’occasion de la COP 21 de Paris en sont un début.
Source : Afrique en Lutte