A 165 jours du « méga-scrutin » électoral du 25 mai 2014, il subsiste beaucoup d’incertitudes à gauche du PS et d’Ecolo.
Nous savons que la FGTB de Charleroi a pris ses responsabilités en exprimant sa volonté de voir se concrétiser une alternative anticapitaliste susceptible de rassembler largement.
Nous savons que des responsables de la CNE ont marqué leur intérêt pour cette initiative.
Nous savons que le Parti du Travail (PTB) présentera des listes dans tous les arrondissements, et sera présent dans la course à la représentation parlementaire tant au fédéral qu’au régional, sans oublier le niveau européen.
Nous savons que la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) a appelé à le soutenir.
Nous savons que le Parti Socialiste de Lutte (PSL) a rédigé une lettre ouverte où il prend position pour un rassemblement large avec le PTB , en se focalisant sur le choix du… sigle.
Nous savons que le Mouvement de Gauche (MG) voulait s’engager dans la bataille électorale mais qu’il est ébranlé par des événements d’ordre privé qui impliquent son fondateur.
Et nous pouvons deviner que d’autres petits groupes s’activent dans leur coin. De manière tellement discrète, cependant, qu’ils sont actuellement inaudibles.
Nous savons tout cela, et pourtant que de points d’interrogation, que d’ambiguïtés !
Un fait nouveau, à noter : la volonté récente affichée par Vincent Decroly de revenir à la politique et son adhésion à la « coopérative rouge-verte » VEGA, qui devrait servir de rampe de lancement à un « nouveau parti ». Les déclarations de l’ancien parlementaire Ecolo sont toutefois préoccupantes : dès ses premiers entretiens accordés à la presse, il n’a pas hésité à lancer des exclusives contre le PTB, alors que son propre projet politique reste évasif.
Incertitudes, vous avez dit incertitudes…
Le but n’est pas ici d’attiser le feu des polémiques qui couvent, ni d’ alimenter de vieilles querelles.
Il s’agit seulement, dans cette contribution, de rappeler pourquoi l’unité de la « gauche de gauche » est aujourd’hui plus essentielle que jamais.
C’est une question de crédibilité. Cette gauche se caractérise par son caractère minoritaire, ne dispose pas d’élus dans les assemblées parlementaires et est très peu connue du grand public.
Une situation problématique qui explique la permanence d’un « vote utile » (guillemets de circonstance, naturellement), car beaucoup d’électeurs/électrices ne veulent pas « perdre » leur voix en votant pour des formations à la notoriété limitée, qui réalisent des scores confidentiels et n’obtiennent jamais le moindre mandat de député. Ils préfèrent dès lors soutenir le PS ou Ecolo, quand ils ne décident tout simplement pas de s’abstenir faute d’alternative sérieuse à leurs yeux, ou pour exprimer leur « ras-le-bol » !
Les divisions -au nom d’arguments incompréhensibles pour le commun des mortels- ne font que renforcer cette impasse. L’éparpillement récurrent donne le sentiment du caractère dérisoire d’une multitude de listes qui n’ont d’autres ambitions que de témoigner et de profiter de la tribune d’une campagne électorale pour distiller un peu de propagande abstraite.
Unité donc, mais concrètement ?
Le constat est incontournable. Le PTB, après plus de 40 années d’existence et de travail, a réussi une petite percée au niveau communal et provincial (51 élus), et acquis une audience (modérée mais réelle) dans les grands médias.
C’est la seule formation à gauche de la gauche qui commence à être connue et reconnue au-delà d’un cercle étroit d’initiés.
Le PTB a aujourd’hui la possibilité d’obtenir l’un ou l’autre élu dans l’une ou l’autre assemblée.
Ce ne serait pas du luxe de pouvoir s’appuyer sur des militants qui porteront dans les enceintes parlementaires la voix des luttes, préconiseront de véritables alternatives au néo-libéralisme, ne s’inclineront pas devant les diktats du patronat ou de l’Union européenne.
Il faut néanmoins rester prudent. Rien n’est gagné.
Notre système électoral est ainsi fait que tout pourrait se jouer à quelques dixièmes de % !
C’est dire qu’un morcellement de la « gauche de gauche » serait particulièrement néfaste. Une nouvelle fois.
L’enjeu des élections de 2014, de ce point de vue, est assez simple : pourrons-nous saisir à pleines mains une opportunité de gagner des relais politiques inédits à la Chambre ou dans les parlements régionaux ,utiles pour les mouvements sociaux et le mouvement syndical ? Ou, au nom du repli identitaire de chaque organisation, laisser passer cette occasion ?
Au vu de caractère global de la crise du capitalisme, de ses effets destructeurs sur l’environnement et des conséquences (anti-)sociales dramatiques générées par les politiques autoritaires d’austérité néo-libérales, cet échec serait plus qu’une faute !
Ils est encore temps pour tous les acteurs qui comptent dans ce débat de réfléchir et d’agir en conséquence.
Pour se rassembler autour et avec le PTB, il n’est pas indispensable de partager tous ses points de vue.
Il n’est demandé à personne ne renoncer à sa liberté et à son droit à la critique.
Il n’est exigé d’aucune organisation de « s’auto-dissoudre », de disparaitre et de se fondre dans le « plus grands des petits partis ».
Mais il n’existe aucune raison d’attendre encore des années pour mener ensemble un combat électoral. D’autant que celui qui s’annonce sera de grande ampleur.
Le moment est venu de privilégier ce qui unit et renforce la gauche, pas de privilégier ce qui la divise et l’affaiblit !
—Alain Van Praet
image : Thierry Tillier