L’attentat de Lahore visait les chrétiens, mais aussi les enfants et un lieu de convivialité populaire. Il rappelle dans ses modalités et objectifs ceux de Bruxelles et de Paris.
L’attentat suicide commis à Lahore le dimanche 27 mars dernier a tué au moins 72 personnes et en a blessé plus de 350 autres. Il est l’œuvre de l’une des composantes du mouvement taliban local. à l’instar de l’État islamique à Bruxelles, il visait à faire le maximum de victimes, la ceinture d’explosifs contenait des billes métalliques provoquant des blessures multiples difficiles à soigner.
De même qu’à Paris en novembre, c’est un lieu de convivialité et de « mixité », un parc public très fréquenté, qui s’est transformé en lieu de mort. Les riches ont leurs espaces privatisés et sécurisés. Les autres se côtoient dans les parcs publics où ils viennent pique-niquer en famille, et où les femmes peuvent jouir d’une liberté d’être. Le kamikaze a provoqué l’explosion tout près d’une aire de jeu pour enfants. Le choc est profond dans la population qui subit, impuissante, une escalade sans fin de la terreur.
Épuration religieuse
En décembre 2014 déjà, des jeunes ont été directement ciblés : à Peshawar, des talibans ont attaqué une école publique accueillant des enfants de militaires. Plus de 150 personnes avaient trouvé la mort, dont au moins 136 n’étaient âgés que de 10 à 17 ans. Ce drame avait provoqué une profonde répulsion au Pakistan, débouchant sur une grève générale spontanée. Aujourd’hui, un porte-parole du groupe responsable de l’attaque de Lahore annonce que d’autres opérations seront menées à l’avenir contre « les écoles et universités »…
Les victimes de la récente attaque suicide sont en majorité musulmanes, mais les chrétiens étaient bien visés. La majorité des violences intercommunautaires opposent des mouvements sunnites à la minorité chiite ; mais les Ahmedis, chrétiens, hindous… sont constamment harcelés : villages brûlés, accusations de blasphème, églises attaquées… Les minorités non musulmanes ne représentent plus que quelques pourcent de la population. Il est à craindre que leur exode ne s’accélère. Nous assistons à un implacable processus d’épuration religieuse.
Répression d’État
Face à la terreur talibane, des démocrates sont tentés de faire bloc avec le gouvernement. Pourtant, ce dernier prétend répondre à la menace par le renforcement des tribunaux militaires et des pouvoirs discrétionnaires de l’armée, des agences de sécurité (compromise par leurs relations avec les fondamentalistes !).
Le Parti awami des Travailleurs (AWP) refuse de s’en remettre ainsi aux militaires. Les attentats aveugles sont généralement le fait de mouvements type talibans, mais la répression sociale « ciblée » est le fait des forces de sécurité et des tribunaux antiterroristes : syndicalistes enlevés et torturés, représentants paysans assassinés, condamnations de militants de gauche à des peines de prison à vie, « disparition » de nationalistes baloutches… Une terreur d’État est exercée au service des grandes familles possédantes. Les accusations de « terrorisme » (social), d’atteinte à la sûreté nationale, nourrissent l’arbitraire tout autant que le « crime » de blasphème. Nombre de cadres de l’AWP sont actuellement en détention sous de faux chefs d’accusation.
Appel à l’unité
L’AWP exige du gouvernement qu’il combatte plus efficacement le terrorisme religieux par le renforcement des institutions civiles, par la nationalisation des écoles coraniques (madrasas), la modification des programmes scolaires, l’abrogation des lois discriminatoires envers les minorités, le respect de la liberté de presse, l’abandon des politiques néolibérales, la séparation de l’État et des religions…
L’AWP a conclu son communiqué du 28 mars par un appel à l’unité : « Il est grand temps de forger une nouvelle histoire de paix et d’égalité radicale à partir des décombres de notre passé violent. Toutes les forces progressistes, laïques et démocratiques doivent se regrouper sous la bannière de la paix, de la justice et de l’égalité radicales pour toutes et tous. ».
Source : NPA