On le sait, toutes les guerres ont un objectif politique, et celle que mène l’État d’Israël contre Gaza ne fait pas exception.
Guerre ? Vu le rapport de forces militaire, le concept est inapproprié : une agression armée confrontée à une résistance dont l’héroïsme ne peut cacher la faiblesse. Et pourtant : avec ses roquettes peu efficaces, le Hamas parvient à paralyser depuis bientôt une semaine la vie quotidienne de plus d’un demi-million d’Israéliens, et va sans doute imposer à l’État Juif un compromis pas très différent de celui qui avait conclu l’agression israélienne de 2011.
Abbas sous la pression
Quel est donc l’objectif de Benyamin Netanyahou et de son gouvernement ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’objectif est… Mahmoud Abbas (Abou Mazen), la campagne militaire contre le Hamas et Gaza n’étant qu’un moyen destiné à affaiblir le Président palestinien.
Dès l’enlèvement des trois jeunes colons, le Premier ministre israélien avait pointé Mahmoud Abbas comme le principal responsable de cette opération, et ce n’est que sous la pression étatsunienne que les dirigeants israéliens ont été obligés de changer leur fusil d’épaule et de reconnaître que les Palestiniens n’avaient pas ménagé leurs efforts pour tenter de retrouver les kidnappés, profitant de l’occasion pour arrêter des dizaines de militants liés – ou non – au Hamas.
Qu’a cela ne tienne : si ce n’est toi, c’est donc ton frère, et les dirigeants israéliens de pointer le Hamas avec lequel Mahmoud Abbas vient de constituer un gouvernement d’Union Nationale : soit Abbas rompt l’alliance avec le Hamas, et se décrédibilise ainsi aux yeux de la population, largement favorable à l’union nationale, soit il refuse et se rend ainsi complice de ceux à qui on fait porter le chapeau du kidnapping et de son issue tragique.
Ils veulent poursuivre la colonisation
Le Hamas a démenti être derrière le kidnapping et l’assassinat des 3 colons, ce qui est d’ailleurs cohérent avec le choix de constituer un gouvernement d’union national avec Abbas. Qu’ils croient ou non le Hamas responsable, Netanyahou et sa bande ont décidé d’attaquer la bande de Gaza. Réflexe habituel des divers gouvernements israéliens : Gaza = Hamas = terrorisme, donc on cogne sans distinction.
À l’heure où ces lignes sont rédigées [vendredi 12 juillet – NDLR], on annonce 122 morts, civils dans leur grande majorité. Car pour les chefs de guerre de Tel Aviv, il n’y a pas de civils à Gaza, mais une communauté d’un million et demi de terroristes, âgés de 6 mois à 90 ans… Rappelons-le : les centaines de missiles tirés de Gaza au cours des derniers mois n’ont pas – encore – fait une seule victime israélienne, si ce n’est, à Haïfa, une femme âgée, arabe de surcroît, décédée d’une crise cardiaque alors qu’elle courrait se mettre à l’abri pendant une alerte.
En délégitimant Abbas, c’est l’ensemble du processus négocié que Netanyahou veut mettre à bas, un processus que la communauté internationale toute entière voudrait voir sortir de l’ornière où les dirigeants israéliens l’ont volontairement embourbé. Pour le gouvernement israélien, le cap est mis sur un seul et unique objectif : la poursuite de la colonisation de la Palestine. Tout ce qui vise à les dévier de ce cap doit être mis en échec, y compris au prix de centaines de victimes innocentes dans la bande de Gaza, y compris au prix du dérèglement et de la perturbation de la vie quotidienne de centaines de milliers d’Israéliens.
Défaite pour Israël, prestige pour le Hamas
Le problème pour Netanyahou, c’est qu’avec la riposte du Hamas, il a non seulement contribué à rehausser le prestige de l’organisation islamiste – sur le compte d’Abbas, ce qui dérange énormément les calculs étatsuniens – mais qu’à la place d’une victoire israélienne, on est dans un match nul… qui signifie en fait une défaite israélienne. C’est face à un tel bilan que s’élèvent des voix, à l’extrême droite du gouvernement d’extrême droite israélien, des voix qui demandent une offensive terrestre, c’est-à-dire de conquérir la bande de Gaza et de l’occuper pour une période indéterminée.
Si nous n’étions pas conscients du prix exorbitant que payerait la population gazaouie pour une telle aventure, nous aurions envie de dire au Général Amidror, qui est à la tête de la campagne pour une opération terrestre, chiche ! Allez-y à Gaza ! Si vous n’aviez pas la mémoire encrassée par l’Hybris, vous vous souviendriez du Liban et de ce qu’il en coûte d’occuper une zone où la population a montré à de nombreuses reprises de quoi le mot résistance est le nom.
De Jérusalem, Michel Warschawski
Source : NPA