L’arrêt du Conseil d’Etat donne raison à BOEH et à la communauté sikh
BOEH (Baas op eigen Hoofd = « maître de sa propre tête ») et la communauté sikh ont eu gain de cause devant le Conseil d’Etat dans les affaires qu’elles avaient engagées contre l’école secondaire de Termonde et une école de Saint-Trond qui, à la rentrée scolaire 2013-2014, ont mis en application l’interdiction générale du port de symboles convictionnels par les élèves, décrétée par le Conseil de l’Enseignement communautaire flamand (Gemeenschappelijkonderwijs, GO).
Un court commentaire sur l’arrêt dans l’affaire de BOEH dans l’attente d’articles à caractère juridiques élaborés à ce sujet.
L’interdiction annulée
« Le Conseil d’État annule par conséquent l’interdiction imposée aux élèves de porter des signes distinctifs philosophiques visibles, inscrite dans le règlement scolaire et ratifiée par le conseil d’administration du groupe d’écoles le 28 février 2013. » Telle est la décision de l’arrêt du Conseil d’Etat ce 14 octobre 2014.
Un bref retour en arrière
La lutte contre l’interdiction du port du voile dans l’enseignement a été initiée par BOEH (Baas op eigen Hoofd). Cinq ans plus tard, l’action a abouti à une première grande victoire. Où étions-nous en 2012? Le Conseil de l’Enseignement communautaire flamand a décrété une interdiction générale du port du port de symboles convictionnels. Dans des écoles comme l’établissement secondaire de Termonde le port de tels symboles était à l’époque encore permis. Il n’y avait aucun problème autour de ce sujet. Le problème est venu du Conseil de l’Enseignement communautaire flamand, GO, qui a exigé que toutes les écoles doivent appliquer, à partir de 2013, une interdiction générale, avec la possibilité d’une période de transition pour les élèves qui fréquentent déjà l’école. Ceux-ci pouvaient continuer jusqu’à la fin de leur scolarité à porter leurs symboles convictionnels — lire leur voile. Seulement eux. Pour la direction de l’école secondaire à Termonde, c’est une option irréalisable, parce que les élèves seront traités de façon inégale. Elle n’a donc pas appliquée cette décision, même à la demande des parents. Heureusement ces parents ont introduit, avec l’aide de BOEH, une requête devant le Conseil d’Etat, et ils avaient raison!
Une lecture – certes par un profane, bien que des articles à caractère juridique solides vont sans doute suivre- de l’arrêt du Conseil d’Etat, dans l’affaire introduite par BOEH, donne l’agréable impression que les arguments du Conseil de l’Enseignement communautaire flamand, GO, ne tiennent pas debout et que la avocats de BOEH avaient raison sur toutes les lignes.
Liberté et neutralité
L’Enseignement communautaire flamand, GO, indique qu’une interdiction générale est nécessaire pour garantir la neutralité dans l’enseignement, rétablir l’ordre dans les écoles et instaurer un environnement pluraliste où les élèves apprennent à s’y prendre avec la diversité pour devenir des citoyens critiques.
Le point de départ du Conseil d’Etat est que les élèves sont des utilisateurs LIBRES de l’enseignement, et non des prestataires. La neutralité de l’enseignement signifie par conséquent que les élèves doivent être libres de porter des symboles convictionnels et de vivre visiblement leur religion. C’est une question de liberté religieuse et une liberté d’expression! Les restreindre n’est une toute petite affaire et n’est seulement exceptionnellement possible que pour des raisons impérieuses graves, qui doivent répondre aux exigences de l’article 9.2 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), comme par exemple le fait de troubler la paix, mais il faut bien démontrer que les mesures astreignantes sont le seul moyen de s’en sortir.
Moment de basculement
L’Enseignement communautaire flamand, GO, déclare que son interdiction était nécessaire pour combattre le prosélytisme, la pression des uns sur les autres, et la perturbation de l’ordre. Tous ses arguments que la directrice Karin Heremans de l’Antwerps Atheneum avait sortis de son chapeau et que le Conseil de l’Enseignement communautaire flamand, GO, a adoptés dans son interdiction générale. Des arguments valables uniquement pour le voile.
Selon l’arrêt du Conseil d’Etat, l’Enseignement communautaire flamand Go ne démontre ou même prétend à aucune reprise qu’il y a dans toutes ses écoles — non seulement dans l’enseignement secondaire, mais aussi dans l’enseignement primaire et maternel (les enfants sikhs en maternelle portent un turban religieux — des raisons impérieuses et sérieuses qui justifient une interdiction générale. Le GO n’a pas non plus énuméré même un seul argument pour justifier une extension de l’interdiction du port du voile – la raison de l’interdiction générale était encore une fois la question du port du voile à l’Athénée d’Anvers – à d’autres symboles convictionnels.
L’interdiction généralisée de GO semble également tomber du ciel, d’où les affirmations de prétendues longue préparation et consultation des parents et des élèves. L’interdiction générale signifie un tournant soudain du Conseil du GO qui jusqu’ici a laissé l’affaire aux écoles. Elle est inspirée par ce qui se passe à Anvers, ou serait-il arrivé, puis a été catégoriquement imposée à d’autres écoles. Le GO ne montre rien ou ne documente de quelque manière que ce soit qu’il existe un « point de basculement » significatif, un terme de l’arrêt, qui justifie une interdiction générale.
Ecoles de concentration
Maintenant, il y a déjà interdiction dans de nombreuses écoles. Sans aucune raison. L’une école imite, aussi les écoles « blanches » souvent avec un agenda caché qu’on ne veut pas faire de l’école une école de concentration ; comme si – entre parenthèses – une école exclusivement « blanche » n’est pas une école de concentration. Cet agenda caché n’a pas échappé au Conseil d’Etat, ni le fait que les filles musulmanes ont été particulièrement visées. Comme BOEH l’a toujours dit, le GO prétend parler de tous les symboles convictionnels, mais il ne parle uniquement que du voile quand il s’agit de signe concret! Tout cela n’a pas trouvé grâce aux yeux du Conseil d’Etat.
Pluralisme
Comme nous le savons, le GO partage les filles qui portent un voile en deux groupes: celles qui sont coupables de prosélytisme et les victimes, qui doivent donc être sauvées par une interdiction du port du voile.
Le Conseil d’Etat fait valoir qu’une distinction doit être faite entre le port d’un symbole convictionnel et le prosélytisme. Le premier ne conduit pas automatiquement au second. Pas toutes les personnes qui laissent apparaître leur foi font du prosélytisme.
Le GO a beau prétendre être soucieux de l’égalité entre les filles et les garçons, il reste que leur zèle à protéger les filles (contre elles-mêmes) et à interdire le port du voile est déplacé. Ils vont d’une certaine vision (occidentale) de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce n’est cependant pas un argument pour empêcher des filles de choisir de plein gré une pratique religieuse. Evidemment, les filles qui font un autre choix devraient également avoir la liberté de le faire. Dit encore une fois le Conseil d’Etat.
En outre, exiger que les enfants ne doivent pas être confrontés à des symboles convictionnels d’autres enfants est inacceptable. Et le simple port de signes convictionnels n’empêche pas le GO de donner une éducation objective et pluraliste et d’inculquer un esprit aux élèves. Ceci toujours selon le Conseil d’Etat.
Et maintenant?
Tout cela conduit à considérer que la cohérence de l’arrêt du Conseil d’Etat est que toutes les écoles qui souhaitent inclure une interdiction des symboles convictionnels dans leur règlement scolaire devront désormais comparaitre devant la justice avec des arguments solides. Par ailleurs, la même objection s’applique bien sûr à une interdiction générale. Pour l’instant, le GO indique qu’il maintient son interdiction générale. L’Enseignement communautaire flamand, GO, semble puiser inspiration du mot « basculement », comme nous l’avons remarqué lors de l’émission De Zevende Dag (19/10/2014). Je serais curieuse de savoir comment le GO va établir et documenter qu’au cours du court moment où l’interdiction a été lancée un « point de basculement » a effectivement eu lieu, tandis que, selon les arrêts du Conseil d’Etat, il apparaît déjà que ni à Termonde, ni à Saint-Trond, il est question d’un tel point de basculement et que la base pour une interdiction générale n’existe plus.
Traduction du néerlandais par Rafik Khalfaoui
Source : SAP