Interviewé à la RTBF (« L’indiscret », dimanche 16 février) sur le sondage RTL-Le Soir qui prévoit une percée des listes PTB-GO !, Paul Magnette a déclaré: «Quand l’extrême-gauche progresse, c’est aux dépens de la gauche, du Parti Socialiste et d’Ecolo, qui perdent. C’est l’éternel paradoxe de l’extrême-gauche : quand on vote pour l’extrême-gauche, en fait, on renforce la droite ».
« L’extrême-gauche » fait le jeu de la droite : c’est la vieille rengaine. Il ne fallait pas s’attendre à autre chose de la part du PS. C’est sans aucun doute autour de cette idée que l’appareil du Parti va se mobiliser dans les semaines qui nous séparent du 25 mai.
Il est donc important d’y insister : les sondages ne confirment pas cette soi-disant « théorie des vases communicants » à gauche, ils la démentent au contraire ! Voyons cela de plus près.
PS -10%, PTB-GO! + 4,9%
Par rapport aux élections législatives de 2010, le PS et Ecolo perdent 10,1% en Wallonie (respectivement 9,2% et 0,9%) ; les listes PTB-GO ! en récupèrent moins de la moitié puisqu’elles progressent de 4,9% par rapport aux listes PTB+ (et même de 3,9%, si on ajoute le score du Front des Gauches au score du PTB+ en 2010).
A Bruxelles, les listes PTB-GO ! captent une part un peu plus importante des pertes du PS et d’Ecolo : 4,5% sur 7,8%, soit à peu près les deux tiers (-6,1% pour le PS, -1,7% pour Ecolo). C’est plus qu’en Wallonie, mais cela ne donne pas raison à Paul Magnette quand il accuse « l’extrême-gauche » de piquer les voix de la gauche au profit de la droite.
Paul Magnette bidouille les sondages. En fait, les chiffres suggèrent une toute autre explication que la sienne. La voici: la social-démocratie (et les verts) perdent des voix à cause de leur participation à la politique néolibérale ; ces voix, la gauche de gauche ne parvient pas à les récupérer complètement parce qu’elle n’est pas encore assez connue ni assez crédible comme alternative. Du coup, plus de la moitié d’entre elles sont perdues pour la gauche en Wallonie, et plus du tiers à Bruxelles.
La gauche de gauche sauve la gauche
La conclusion à tirer est donc à l’exact opposé de ce que dit le Président du PS : en réalité, « l’extrême-gauche » en progressant contribue à sauver la gauche. Il s’agit donc de la consolider au maximum, sans quoi la droite se renforcera.
Concrètement, il s’agit de faire connaître le plus largement possible l’existence des listes PTB-GO !… En mettant bien en évidence qu’il s’agit d’un rassemblement de la gauche de gauche, avec des personnalités qui prennent leurs responsabilités suite à l’appel de la FGTB de Charleroi, notamment (et pas d’un front entre partisans de Lénine, comme Pascal « Grimma » Delwit a tenté de le « démontrer » dans La Libre).
Renforcer la droite, la social-démocratie et les verts font ça très bien tout seuls, ils n’ont pas besoin de la gauche radicale pour cela. C’est la grande leçon du Portugal, de l’Espagne, de la Grèce, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Grande-Bretagne : dans tous ces pays, la politique social-libérale des PS a fini par paver le chemin d’une droite qui, dès que possible, s’est passée de la social-démocratie pour redoubler de violence dans l’offensive capitaliste contre les acquis sociaux, et s’attaquer en plus à des acquis démocratiques tels que le droit à l’avortement.
L’exemple grec
Le pays qui montre le plus nettement la fausseté du raisonnement de Paul Magnette est évidemment la Grèce : en suivant la théorie de MM. Magnette et Delwit, il faudrait accuser Syriza de la chute de Papandréou et de l’arrivée au pouvoir de Samaras. Il saute aux yeux que c’est ridicule. La réalité est que le Pasok s’est tué tout seul mais que, grâce à Syriza, il existe encore en Grèce quelque chose qui ressemble à une gauche, et qui est même en tête des intentions de vote…
Les peuples tardent à tirer les leçons de la Grèce, de sorte que la série noire des droites qui arrivent au pouvoir grâce à la social-démocratie n’est malheureusement pas finie. Le scénario qu’on a connu au Portugal, en Espagne et ailleurs risque fort de se répéter demain en France -dans des conditions plus dangereuses que partout ailleurs, vu la poussée du Front national et la droitisation accélérée de l’UMP.
Oui, il y a un danger de droite
Et chez nous, qu’en est-il ? Eh bien, en simplifiant on peut dire que le scénario s’est déjà produit en Flandre, puisque le Sp.a a tellement déçu sa base sociale qu’une bonne partie de celle-ci est partie au… Vlaams Belang. La question n’est pas de savoir s’il se reproduira au niveau du pays, mais quand cela se fera.
La Flandre vote à droite et la NVA rêve de faire sa jonction avec le MR pour jeter le PS hors du gouvernement. Ce n’est pas un scoop. En espérant que sa politique libérale permettra de couper l’herbe sous les pieds de Bart de Wever, Di Rupo se fourre le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate. Cette stratégie stupide expose la gauche à un danger majeur, on risque de s’en apercevoir très bientôt.
Oui, il y a une très sérieuse menace de droite en Europe et en Belgique. La cause principale est la politique néolibérale de la social-démocratie, qui sème la misère, le désespoir, et fait disparaître tous les repères. Le fait que M. Magnette va jusqu’à bidouiller les sondages pour défendre cette politique envers et contre tout ne prouve en réalité qu’une chose: l’urgence de jeter toutes les forces de gauche dans la bataille pour que les listes PTB-GO ! fassent le meilleur résultat possible.