La peintre femme autrefois, la voie impossible… Il fallait en braver des interdits dans les siècles passés pour une femme pour vouloir être peintre, plus encore pour oser y exprimer sa féminité, se libérer du confinement des aquarelles intimistes autodidactes, car nul moyen alors d’accéder aux ateliers des maîtres et donc à la connaissance…
Celles que l’histoire de l’art retient néanmoins sont filles de peintres. Lavinia Fontana ose la première dès le 16e siècle peindre le corps nu féminin, privilège masculin. Artemisia Gentileschi renouvelle par son réalisme la peinture baroque et met en scène son propre viol sous couvert de scène mythologique, Elisabeth Vigée-Lebrun, portraitiste de cour, ses maternités narcissiques.
Après la Révolution et au 19e siècle, les portes des ateliers s’entrouvrent pour elles, chez David et Greuze d’abord, mais la reconnaissance tarde, tant l’influence, voire la domination masculine, pèse sur leur art, voire sur leur vie passionnelle, à l’instar des « couples » célèbres : Constance Mayer – Pierre-Paul Prud’hon, Camille Claudel – Auguste Rodin, ou encore Berthe Morisot – Édouard Manet, cette dernière affirmant néanmoins son indépendance.
Il faut attendre le 20e siècle, et encore pas au Bauhaus (!), pour que la femme accède à la formation artistique et pour voir surgir des Tamara de Lempicka, des Marie Laurencin qui incarnent une émancipation nouvelle, même si le chemin des Rosa Bonheur, Suzanne Valadon, Mary Cassatt et plus tard Joan Mitchell ne diffère pas fondamentalement de celui de leurs homologues masculins. Si ce n’est peut-être celui de Paula Modersohn-Becker que l’on découvrira bientôt à Paris, auteure du premier autoportrait féminin nu.
La femme peintre ou plasticienne contemporaine : la voix singulière
Aujourd’hui, certaines artistes rencontrent un réel succès artistique en mêlant mises en scène de leur vie, engagement politique, voir féminisme, telles Kiki Smith, Faith Ringgold, Yoko Ono, Sophie Calle, etc. D’autres transcendent l’action purement revendicatrice en exprimant un rapport singulier à leur condition féminine.
Ainsi, quelques exemples emblématiques.
Frida Kahlo chantre de l’émancipation de la femme mexicaine, exprime avec un fœtus surdimensionné la douleur de sa fausse couche.
Niki de Saint Phalle illustre dans ses Nanas la suprématie épanouie de la femme.
Gina Pane, figure majeure de l’art corporel, réalise des performances mêlant le lait et le (son) sang, symboles féministes discutés.
Annette Messager dénonce dans ses sculptures les clichés liés à l’univers domestique prétendument féminin (travaux d’aiguilles, etc.), les parties du corps malmenées (épilation, etc .) ; les idées préconçues dans les broderies des Tortures volontaires.
Orlan, femme de tous les combats féministes et de toutes les provocations, dénonce la violence faite aux corps des femmes, les canons de la beauté féminine en se remodelant le visage, le regard porté sur le corps féminin, les deux grands stéréotypes féminins : Marie (la mère) et Marie-Madeleine (la prostituée).
Louise Bourgeois développe une œuvre obsessionnelle tournée vers de la procréation (les poupées en tissu), la maternité des femmes-maisons, hantée par le phallus (le père), baptisé fillette, et l’araignée (la mère), à la fois protectrice bienveillante et d’une inquiétante étrangeté. Elle cultive l’ambiguïté, l’ambivalence, dans Janus, excroissances mamelles/phallus, et touche aux traumatismes fondamentaux, aux émotions, pulsions et peurs primordiales, à l’inconscient.
Source : NPA