Depuis les élections législatives qui ont eu lieu le 4 octobre dernier, la situation politique semblait verrouillée au Portugal. Le président de la République, Cavaco Silva.
On peut retenir trois faits marquants des dernières élections : la très forte et croissante abstention (44,1 % contre 42 % en 2011) ; la « victoire défaite » de la droite, la coalition du PSD et du CDS-PP arrivant en tête mais sans la majorité absolue (obtenant 36,9 % des voix contre 50,3 % en 2011) ; et la conquête par la gauche d’une majorité, notamment liée à la percée de la gauche radicale. Si le PCP n’a que très légèrement amélioré son score par rapport aux précédentes législatives (8,3 % contre 7,9 % en 2011), le Bloc de gauche est passé de 5,2 % à 10,2 % (et de 8 députés à 19). Cela est sans doute lié à la campagne dynamique et offensive – notamment concernant l’euro – menée par le Bloco et portée par des figures politiques nouvelles et devenues très populaires dans le pays (en particulier Catarina Martins et Mariana Mortágua). Si l’on ajoute les scores réalisés par d’autres listes à la gauche du PS, la gauche radicale portugaise parvient à environ 20 % des suffrages exprimés.
Le PS se tourne vers sa gauche
Ces résultats ont provoqué une crise politique d’ampleur. Le PS a sensiblement progressé par rapport à 2011 (de 28 % à 32,4 %), et la peur d’un processus de « pasokisation » – c’est-à-dire la disparition quasi-totale du champ politique – l’a emporté sur la tentation d’une grande coalition avec la droite (qui était clairement le vœu de la bourgeoisie). Face à la brutalité antisociale des politiques menées par la droite, une majorité des votants ont exprimé l’aspiration à une rupture avec l’austérité. La gauche étant majoritaire au Parlement, le Bloco et le PCP ont engagé une démarche d’interpellation du PS pour l’obliger à se positionner clairement sur la question clé de l’austérité. Il semblait probable que le PS, parti qui avait impulsé des politiques d’austérité dès 2009-2010 (avant même les accords avec la troïka), se tournerait vers la droite plutôt que vers la gauche, comme il le fait depuis 40 ans. Le Bloco a ainsi posé trois conditions relatives aux retraites, au droit du travail et à la sécurité sociale , impliquant pour le PS de revenir sur des points précis de son programme électoral.
Étant parvenus, au terme d’un long processus de négociation, à un accord avec le PS sur des mesures d’urgence excédant largement les trois conditions posées initialement (l’accord inclut notamment le refus de toute privatisation nouvelle et l’arrêt des privatisations en cours, notamment des transports publics), le Bloco et le PCP ont accepté de soutenir au Parlement un gouvernement PS sans participation gouvernementale. D’ores et déjà, ont été votés il y a quelques jours au Parlement le droit à l’adoption pour les couples homosexuels et la suppression du ticket modérateur pour les femmes recourant à l’IVG.
Rompre avec l’austérité, vraiment
Cavaco Silva a tenté de passer en force, en imposant un gouvernement dirigé par Passos Coelho (PSD, droite), rejeté au Parlement par la gauche, puis en cherchant à tout prix à empêcher la formation d’un gouvernement PS soutenu par le Bloco et le PCP. Il a en particulier mis en avant le refus par ces derniers des « règles de discipline budgétaire auxquelles sont soumis les pays de la zone euro » et des « engagements internationaux du Portugal » en matière de « défense collective » (faisant ainsi référence à l’appartenance du pays à l’OTAN).
L’arrivée au pouvoir du PS, avec le soutien des partis à sa gauche (pour la première fois depuis 40 ans), ouvre clairement une nouvelle situation politique au Portugal. Si les mesures d’urgence sur lesquelles le PS s’est engagé sont effectivement mises en œuvre, cela soulagera les classes populaires, dont les conditions d’existence ont été profondément mises à mal depuis 2009. Reste que, comme le gouvernement Syriza-ANEL après son accès au pouvoir en janvier dernier, ce gouvernement va très rapidement faire face à d’immenses obstacles de la part des institutions européennes et de la bourgeoisie, portugaise et internationale, du moins s’il cherche véritablement à rompre avec l’austérité…
Surmonter ces obstacles supposera à l’évidence une relance des mouvements sociaux, mais aussi la mise en œuvre par la gauche radicale d’une stratégie permettant de gagner le soutien de larges franges de la population à un projet politique anticapitaliste.
Source : NPA