Après les élections européennes ont commencé les tractations pour la désignation du président de la Commission. Droites et socialistes européens se sont mis d’accord avec le soutien des Verts et même de la direction de la Gauche unie européenne (qui regroupe les partis à la gauche des PS).
Selon le traité de Maastricht de 1992, le candidat à la présidence de la Commission est désigné par les chefs d’État et de gouvernement. Le Parlement européen doit ensuite approuver cette nomination. Entré en vigueur en 2009, le traité de Lisbonne précise que les chefs d’État et de gouvernement doivent « tenir compte des élections au Parlement européen » : la formule vague leur laisse en fait beaucoup de liberté.
Dès les élections terminées, les socialistes ont annoncé leur ralliement au candidat de la droite arrivée devant eux, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Peu importe que Juncker en tant que président de l’Eurogroupe (réunion des ministres des Finances) de 2005 à 2013 ait joué un rôle majeur dans l’élaboration des politiques de libéralisation et d’austérité. Peu importe aussi que Juncker, qui était également Premier ministre du Luxembourg de 1995 à 2013, ait défendu avec efficacité la réglementation qui fait de son pays un paradis fiscal. Comme l’a résumé le sénateur français Jean Arthuis (UDI, le parti de Borloo) : « Le matin, il nous rappelle nos obligations d’équilibre des finances publiques et l’après-midi il nous fait les poches grâce au régime luxembourgeois sur la fiscalité et le secret bancaire. »
La gauche au secours de Juncker
Avec un tel pedigree, on aurait pu s’attendre à ce que cet individu ne bénéficie d’aucun soutien à la gauche des PS. Pas du tout. D’abord, les Verts, Cohn-Bendit et Bové en tête, se sont ralliés à lui. Il en est de même de la direction de la Gauche unie européenne (GUE) qui regroupe les partis à la gauche des PS : tant le grec Alexis Tsipras qui fut le chef de file des listes de la GUE lors des élections européennes, que la présidente (sortante) du groupe GUE, Gabi Zimmer, ont appelé à soutenir Juncker !
Le principal argument est que son élection marquerait un pas en avant démocratique, car le président de la Commission émanerait ainsi des députés et non du Conseil des chefs d’État et de gouvernement… En effet, il existe des réticences vis-à-vis de Juncker chez certains d’entre eux, notamment l’anglais Cameron. Celui-ci critique Juncker, non pas parce qu’il est un pro-capitaliste acharné, mais parce qu’il craint qu’il ne veuille renforcer la Commission. Juncker risque de ne pas être désigné mais les clones sont nombreux : les chefs d’État et de gouvernement en désigneront un que les députés européens de droite et socialistes soutiendront, comme d’habitude.
Ceux qui à gauche sont partisans de soutenir Juncker combinent illusions sur les institutions européennes et opportunisme. Il faudrait soutenir un Juncker au lieu de mener une bataille sans concession pour dénoncer la machine bruxelloise et la politique tant de la Commission que du Conseil européen ! Au sein du Front de gauche français, cette position de la GUE provoque quelques remous : Mélenchon n’est pas d’accord et Ensemble apparaît divisé. Cela fait une divergence de plus au sein du Front de gauche et, au-delà des justifications des uns et des autres, confirme que la référence à Syriza ne protège en rien de l’opportunisme.
Source : NPA