A côté des magazines féministes, les magazines féminins véhiculent une certaine « identité féminine ». Ils servent souvent de vitrines papiers, de catalogues de produits à acheter absolument et donnent une image peu flatteuse des femmes : narcissiques, frivoles et dépensières. »
Paradoxes frustrants
Bien souvent, ces publications donnent une vision schizophrénique et impossible de la femme. Au sein d’un sommaire d’un même magazine, il n’est pas rare de constater des paradoxes frustrants :
– Acceptez votre corps tel qu’il est MAIS n’oubliez pas d’acheter ce produit qui vous aidera à perdre votre cellulite!
– Soyez sexy MAIS pas trop, n’ayez pas l’air d’une allumeuse!
– Ayez une sexualité libérée MAIS pas trop, faites attention à votre image, ne passez pas pour une fille facile!
– Ayez une vie sociale riche MAIS faites attention à vos rivales, ne vous faites pas piquer votre mec!
Et bien d’autres exemples encore…
Editions spéciales rondes: mise en valeur ou stigmatisation?
Régulièrement cette presse féminine nous demande «d’aimer notre corps», ou bien nous donne des astuces pour plus de confiance en soi. Pourtant elle n’hésite pas bombarder ses lectrices de régimes tous plus absurdes les uns que les autres et à rédiger des «éditions spéciales femmes rondes» en étiquetant ses mannequins de «rondes» sans pour autant étiqueter les autres mannequins du magazine de «minces». Ainsi, en créant une édition spéciale, elle provoque une stigmatisation encore plus intense. Au final, le but à peine dissimulé de ces éditions spéciales n’est bien sûr pas de faire plaisir à ses lectrices, mais de vendre un maximum de produits en touchant un maximum de lectrices qui se sentiront mises en valeur par une édition spéciale qui leur est consacrée.
Minceur = confiance en soi?
Tout récemment encore, j’ai été interpellée par un titre de magazine féminin qui indiquait: «En perdant du poids j’ai trouvé le courage de quitter mon conjoint violent». Un tel slogan sous-entend très clairement que la vie d’une femme sera meilleure une fois ses kilos en trop éliminés! Le sujet de la violence conjugale est bien trop grave pour être mis en relation avec une histoire aussi superficielle que des kilos en trop. Dès lors, faut-il mincir avant de fuir les coups de son mari? En plus de donner une image futile de la femme, je pense que de tels titres peuvent s’avérer dangereux pour les femmes en situation de violence.
Homme-Femme: chacun son rôle
A y regarder de plus près, trois quart des articles de presse féminine concernent la mode, la beauté, l’hétérosexualité, la mise en valeur de vedettes masculines pour le plaisir des yeux, la décoration d’intérieur, la maternité et naturellement, le shopping. Des activités domestiques, individuelles et consuméristes en somme.
La plupart du temps les articles plus généraux d’information, les pages culturelles ou politiques sont réduites à leur plus simple expression ou sont carrément inexistantes. Suivant le même fonctionnement que les «éditions spéciales rondes», il n’est pas rare de voir des dossiers consacrés aux femmes exerçant un «métier d’hommes». Un peu à la manière de bêtes de foires, des femmes relatent aux autres femmes leur quotidien «d’hommes», mettant encore davantage l’accent sur le caractère exceptionnel et anormal de la chose. A propos du monde du travail, bien qu’on nous présente régulièrement des exemples de femmes battantes et indépendantes, il n’est pas rare d’y voir des «conseils mode pour le bureau». Parce qu’évidemment, il ne faut pas oublier de montrer ses nouveaux achats à ses collègues!
En conclusion, si acheter un magazine en vitesse en attendant son train est un acte anodin, il faut rester attentive au contenu et garder un œil critique sur ces articles qui cantonnent les femmes à des rôles prédéfinis et qui, au final, offrent un contenu plus lucratif qu’informatif.
image de Cosmarxpolitan de Clara Beyer