Le réformisme social-démocrate avait l’ambition d’améliorer le sort des gens du commun. Depuis peu, le mot réformisme signifie le contraire : réduire les allocations de chômage, détruire les services publiques, retarder l’âge de la retraite, démanteler le code du travail etc. Les réformistes d’hier sont devenus, dans le langage néolibéral, des conservateurs, tandis que les vrais réformistes sont ceux qui veulent améliorer le sort les entrepreneurs, spéculateurs, banquiers. C’est donc la droite qui est réformiste et la gauche qui est conservatrice. Voilà comment l’idéologie dominante change la signification des mots. Il s’agit d’une manipulation perverse. Mais ce n’est pas tout. Une nouvelle manipulation linguistique a atteint les médias. Je viens de lire dans un journal comme on dit de qualité, que Marine Le Pen et son Front National se situent à gauche, en tout cas par rapport à leur programme social. Mais à gauche par rapport à qui ? Eh bien, non seulement du parti Les Républicains de Sarkozy & C°, du PS de Valls et même des Verts. Quels sont les arguments qui permettent cette classification dans le spectre politique ? Ce sont les soi-disantes revendications sociales du Front National. Les mêmes arguments sont avancés concernant le parti de Geert Wilders, le populiste autoritaire des Pays-Bas. Celui-ci prend la défense des soins médicaux, en particulier pour les personnes âgées, propose un retour de l’âge de la retraite à 65 ans et son indexation, l’abaissement du prix des loyers et, comme il se doit, moins d’impôts. D’où viendra l’argent ? Non pas des capitaux mais de l’exclusion des profiteurs, c’est-à-dire principalement des « allochtones » et autres « asociaux » de culture islamique. Le concurrent de Wilders dans les élections du 15 mars prochain, le premier ministre Mark Rutte du parti libéral VVD le suit dans cette démarche : le pouvoir gouvernemental vaut bien une messe démagogique anti-islamique. Il appelle les « migrants asociaux » de quitter le pays s’ils ne veulent pas se comporter comme des « Néerlandais normaux ». La Belgique ne reste pas en arrière sur ce terrain. Après que Luk Van Biesen du Open-VLD libéral a insulté en plein débat parlementaire la députée flamande du SP.A Meryame Kitir (un nom turc) en disant qu’elle devait retourner dans « son pays », la présidente du Open-VLD, Gwendolyn Rutten a annoncé qu’elle ne tolère pas des paroles racistes dans son parti. Pourtant, un mois plus tard, elle prend la défense de la ligne démagogique de son confrère libéral néerlandais, ce même Mark Rutte. Le rédacteur en chef du journal De Standaard s’est posé la question si Mark Rutte appelle aussi à retourner dans leur pays les gens qui placent leur fric au Panama.
Malgré le « cordon sanitaire » autour des partis comme le Vlaams Belang, leurs idées on pénétré les partis dits respectables. Les libéraux européens semblent de plus en plus se réunir sous le mot d’ordre « adaptez-vous à nos normes ou quittez dare-dare le pays ». Et voilà que le NV-A appelle à la restriction de la liberté de parole de ceux qui ne sont pas d’obédience normale, c’est-à-dire les islamiques. Vous avez sans doute remarqué qu’un certain Donald, millionnaire de son état, lui aussi promet des mesures sociales à l’encontre des travailleurs.
Une harmonie totale ne règne pourtant pas entre les différents partis de l’extrême droite ou populistes autoritaires. Ainsi des divergences sont apparues dans le congrès qui réunissait le 21 janvier à Koblenz ces partis. Étaient présents : Frauke Petry (Alternative für Deutschland), Marine Le Pen (Front National), Geert Wilders (Partij voor de Vrijheid), Gerolf Annemans (Vlaams Belang) et Matteo Salvini (Lega Nord), des parti qui forment une fraction au parlement européen. Mme. Petry a déclaré à l’hebdomadaire Die Zeit qu’elle ne partage pas certaines idées de Mme Le Pen. Le AfD veut moins d’État et sur le plan économique il défend la libre concurrence, tandis que le programme économique du FN est « de gauche ». Le FN veut sortir carrément de l’UE, tandis que l’AfD veut une reconstitution d’une communauté économique européenne. Et n’oublions pas non plus Israël. Petry et Wilders acclament Israël à 100%, tandis que le FN se montre plus critique. Le dirigeant berlinois du AfD Georg Pazderski considère le FN comme un parti de gauche avec lequel il ne veut pas coopérer. Parole, parole, car ils sont pourtant fortement unis autour de la question centrale qui occupe la droite extrémiste et populiste aujourd’hui : l’amalgame de l’immigration, des réfugiés et de l’islam. Ils sont tous très contents de l’élection de Donald T. Cela montre qu’ils ont le vent en poupe. C’est un vent des marais, annonciateur de la peste et du choléra.
image par Little Shiva en collaboration avec Pips et Marijke 🙂