Les Américain·e·s de gauche sont face à cette interrogation : doivent-ils soutenir la candidature de Bernie Sanders à la présidence des Etats-Unis ? Sénateur du petit Etat du Vermont, âgé de 73 ans, il a longtemps été indépendant, se définissant
lui-même comme socialiste. Il a récemment annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2016 et est en lice pour la primaire du Parti Démocrate, ce qui n’a pas manqué de déclencher un débat au sein de la gauche.
D’un côté, certains argumentent qu’il défend un programme progressiste (notamment création d’emplois et de hausse de salaires), qu’il favorisera l’union de militant·e·s de divers mouvements, et que sa candidature participe d’une légitimation des idées socialistes. A l’inverse, d’autres, dont je fais partie, estiment que cette campagne ne fera pas avancer le mouvement de gauche car il ne constitue pas une alternative réelle au capitalisme et pourrait, en dernière instance, ramener des électeurs·trices mécontents vers le Parti Démocrate. Sanders ne s’oriente pas vers un modèle de société socialiste réellement démocratique, mais plutôt vers un modèle qui rappelle le New Deal de Franklin D. Roosevelt des années 1930, basé sur des politiques keynésiennes, ou encore le modèle scandinave de l’Etat-Providence.
Une candidature progressiste… mais problématique
Or, les récents mouvements sociaux – d’Occupy Wall Street en 2011 à la lutte pour un salaire minimum de 15 $ en passant par Black Lives Matter en 2014-2015 – ne visent pas uniquement à des réformes. Les militant·e·s de ces différents mouvements défendent une autre vision de société, véritablement démocratique et égalitaire. Si des programmes sociaux sont nécessaires, l’indépendance politique de classe constitue une problématique centrale. Pourtant, Sanders a promis qu’en cas d’échec à la primaire démocrate, il soutiendrait le candidat gagnant, à savoir très probablement Hillary Clinton.
Qui est Bernie Sanders ? Né dans une famille d’immigrés juifs de Pologne établis à Brooklyn, il a été durant sa jeunesse un militant du mouvement des droits civils. Il a ensuite brièvement vécu dans un kibboutz en Israël avant de s’installer dans le Vermont. C’est là qu’il a débuté sa carrière politique, en devenant maire de Burlington en 1981.
Après avoir rempli quatre mandats successifs de deux ans comme maire, Sanders a été élu à la Chambre des Représentants en 1990 puis au Sénat en 2006. Lors de sa réélection en 2012, il a remporté un étonnant succès recueillant 71 % des voix. En tant que membre du Congrès, Sanders a constamment soutenu les syndicats et œuvré pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs·euses. Il a défendu les libertés démocratiques, les droits des personnes LGBT ou encore des migrant·e·s, il s’est engagé contre le réchauffement climatique et s’est opposé aux politiques taxatrices régressives. Personnage unique parmi les politiciens états-uniens, Sanders refuse le soutien financier des entreprises : la plupart de ses soutiens proviennent des syndicats alors que les donneurs privés lui ont rapporté moins de 50 $.
S’il était autrefois militant des droits civils, Sanders a échoué à rejoindre le mouvement Black Lives Matter, et ne dit de manière générale pas grand chose du racisme, soutenant que les programmes économiques bénéficieront à tous les Etats-Unien·ne·s. Il n’est donc pas étonnant qu’à l’heure actuelle il rencontre peu de soutien au sein des communautés afro-américaine et latino-américaine.
Pour la majorité des thématiques nationales, Sanders défend une orientation progressiste. Sur les questions de politique étrangère en revanche, sa position est bien plus problématique. Il défend l’Etat d’Israël de même que le recours aux drones et aux frappes aériennes contre les terroristes et l’Etat islamique. S’il s’est opposé à certaines interventions militaires des Etats-Unis, il n’est certainement pas un anti-impérialiste de principe.
Soutien à Hillary Clinton
Les meetings de campagne de Sanders ont attiré des centaines de personnes. Il a récolté 1,5 million de dollars au cours de ses premières 24 heures comme candidat et il prévoit d’en récolter 50 au cours de la primaire. Il a rencontré un bon écho dans les médias. Un groupe d’une centaine de dirigeants syndicaux s’est formé pour soutenir sa candidature, et de nombreux travailleurs sont attirés par son message.
Néanmoins, les récents sondages donnent Hillary Clinton en tête des élections primaires avec 75 % des voix, tandis que Sanders n’est crédité que de 15 % des intentions de votes. Par ailleurs, 92 % de l’électorat démocrate soutiendrait Clinton. Cette dernière, dont la candidature sera financée par les plus grandes entreprises, s’attend à récolter deux milliards de dollars. Les grandes banques Citigroup, Goldman Sachs et JPMorgan Chase ont été parmi ses principaux soutiens financiers lors de sa campagne au Sénat, et on peut donc s’attendre à ce qu’ils le soient aussi pour l’élection présidentielle. Clinton recevra aussi le soutien de l’AFL-CIO [la principale fédération syndicale du pays, ndlr] ainsi que des principaux syndicats, comme le Service Employees International Union(SEIU, ou Union internationale des employés des services). Elle obtiendra également le soutien de la majorité des afro-américains, des latinos ainsi que des organisations féministes.
A l’arrivée, Clinton, représentante des banques et des entreprises états-uniennes, véritable faucon en matière de politique étrangère, remportera sans doute la primaire démocrate, sauf catastrophe ou miracle. Et Bernie Sanders lui apportera son soutien, à moins qu’il ne souffre d’une soudaine crise de conscience et décide de se lancer dans la course à la Maison Blanche comme candidat indépendant. Dans ce contexte, quelle pourrait être l’alternative ? Jill Stein, candidat du Green Party. Nous y reviendrons dans un prochain article.
Source : solidaritéS