Les conséquences sociales d’une récession économique ont déjà touché la majorité de la population qui commence à mettre en doute l’explication propagandiste de ses causes par les intrigues de l’Ouest…
L’instauration des sanctions internationales et la chute des prix du pétrole depuis 2014 ont contribué à la chute de la production que l’on a déjà observée en 2012. De plus, au moment de la chute majeure du rouble au marché des changes fin 2014, le Premier ministre Medvedev a reconnu que « la Russie n’est jamais sortie de la crise depuis le 2008 ». En 2008, la crise mondiale n’a pas seulement influencé l’économie russe affaiblie, mais elle a aussi provoqué une ruine de longue durée de tout le système capitaliste post-soviétique qui a renforcé les activités militaires et la consolidation du régime à l’intérieur du pays. Pourtant, c’est pendant ces deux dernières années que la baisse massive des revenus pétroliers combinée avec la perte de possibilité de refinancement à l’Ouest pour les banques russes ont laissé au gouvernement de moins en moins de marge de manœuvre. La stratégie ancienne de rapiécer les trous dans l’économie avec l’aide des fonds de réserve gouvernementaux ne marche pratiquement plus aujourd’hui. En même temps, l’ampleur actuelle de la crise indique que la perspective d’une catastrophe sociale devient de plus en plus réelle.
Ainsi, vers la fin de 2015, le déclin de l’économie russe a atteint 3,7 %, tandis que l’inflation a atteint 15,5 % (avec un maximum de 16,9 % en mars 2015). Les taux de pauvreté sont frappants : le nombre de personnes ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté a augmenté de 16,1 millions à 19,2 millions de personnes (ce qui représente 13,4 % de toute la population) pendant cette courte période. Il est intéressant de noter que, fin d’année dernière, le minimum vital fixé par le gouvernement était de 9 452 roubles, à savoir 123 euros. On peut imaginer quel pourcentage de la population du pays possède des revenus légèrement plus élevés que ce chiffre infime, mais qui sont au-delà du seuil de pauvreté reconnu officiellement. En outre, selon les derniers sondages, 73 % des Russes n’ont pas d’économies pour « les mauvais jours » et dépensent tout leur salaire pour les biens les plus nécessaires quotidiennement.
Un chômage bas ?
Dans ce contexte, vu de l’extérieur, les chiffres du chômage n’ont pas l’air d’être si mauvais : les statistiques officielles le fixent à 5,8 %, c’est-à-dire 4,4 millions de personnes. Ce nombre comprend aussi celles et ceux en recherche active de travail, mais qui ne sont pas enregistrés à la bourse du travail. De plus, le nombre de ceux qui ont été inscrits à la bourse a augmenté de 70 000 personnes (soit de 7 %) pendant les trois premiers mois de 2016. Les taux de chômage relativement bas et une baisse beaucoup plus rapide du niveau de vie s’expliquent par les efforts du gouvernement à maintenir l’emploi formel (à l’aide des réductions des salaires et du temps de travail). Ainsi, la pratique de « vacances non payées » est très répandue parmi les grandes entreprises industrielles. La motivation importante est « le maintien de la stabilité sociale », pas tant dans les grandes villes, où, en cas de licenciement, on peut trouver un autre emploi peu rémunéré, mais surtout dans les prétendues « mono-villes » construites à l’époque soviétique autour des grandes industries. Dans le cas des licenciements à grande échelle dans ces entreprises, une partie importante de la population de la ville est mise automatiquement dans la catégorie des chômeurs « chroniques », et toute la ville se transforme en lieu de troubles sociaux potentiels…
Déjà au stade de l’adoption du budget pour l’année 2016, le Premier ministre Medvedev a déclaré :« Nous ne pouvons pas nous passer d’une rationalisation importante des coûts, et celle-ci ne doit pas être faite d’une manière simple, comme on le faisait souvent en augmentant le fardeau fiscal des entreprises, mais en réduisant les dépenses inefficaces ».
Selon Medvedev, l’indexation des pensions représente par exemples des « dépenses inefficaces ». Aussi, il a été proposé de supprimer l’indexation pour les retraités qui travaillent (14,9 millions) et de réduire l’indexation globale des pensions à 4 % (avec une inflation officiellement prévue de 10 %).
Le mécanisme d’indexation des salaires dans le secteur privé est mal conçu dans la législation du travail russe et n’existe qu’à titre indicatif. Pour tous les travailleurs du secteur public, l’indexation n’a jamais été réalisée au cours de ces deux dernières années. Et pour ce secteur, il est significatif que l’augmentation des salaires (qui n’est pas en mesure de couvrir les pertes de l’inflation) est prévue par le gouvernement à l’automne 2016, évidemment à des fins propagandistes à la veille des élections.
Établi dans un esprit d’austérité, avec des dépenses d’éducation et de santé considérablement réduites, le budget de 2016 a encore baissé de 10 % cet hiver. La structure même des recettes publiques, où la majorité des bénéfices (70 %) proviennent des exportations de pétrole et de gaz, fait que des coupes constantes soient inévitables pour la suite.
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Deuxième article du dossier Russie : Crise et signes d’une catastrophe à venir
Dossier réalisé par Ilya Budraitskis (Mouvement socialiste russe)
Traduit par Hanna Perekhoda