Contexte
Le processus de fusion de différents courants de gauche, qui a donné naissance à la nouvelle organisation Insurgencia, a bénéficié d’une conjoncture particulièrement favorable de reprise des mobilisations sociales et de victoires de la population brésilienne (tarifs des transports non augmentés, abandon de la Loi anti-gay).
Les mobilisations populaires qui se sont propagées au Brésil ont exprimé une indignation contre le système établi, un désir de participation et de démocratie, une ferveur pour les droits et la justice. Elles ont mis en évidence que la vie sous le capitalisme est de plus en plus insupportable car elle signifie l’exploitation, l’oppression et la souffrance, mais aussi l’aliénation dans le consumérisme, l’indifférence, l’insensibilité à la douleur des autres et la destruction de la biosphère de la Terre.
Dans ce contexte, la création d’un nouveau courant politique qui exprime l’esprit des luttes actuelles s’est avéré totalement justifiée, un courant composé de militants de la ville et de la campagne, de femmes et d’hommes du monde du travail, de féministes, de peuples originaires, de jeunes, de syndicalistes, d’écossococialistes, d’activistes de la lutte LGBT, de la lutte anti-prohibitionniste et de la lutte antiraciste.
Processus de fusion
Les principaux courants qui ont initié le processus de rapprochement sont : Enlace – dont une majorité de militants est membre de la Quatrième Internationale – le Coletivo Socialismo e Liberdade (CSOL) – courant observateur de la Quatrième Internationale – et le Coletivo Luta Vermelha. Ils ont abouti ces 4 et 5 octobre à une fusion mais qui reste encore inachevée car le groupe originaire de Brasilia, ELA, et le groupe pernamboucain, Síntese Socialista sont encore observateurs dans les instances du nouveau courant et doivent encore décider de le rejoindre. Les articles d’une revue intitulée “La Gauche”, coécrite par ces différents courants, ont servi de base aux débats organisés localement. Les articles portaient sur l’analyse de la situation internationale ; la stratégie, le programme et le sujet social ; l’organisation à construire et les liens avec le PSOL.
La conférence d’ouverture officielle du processus de création de la nouvelle organisation a eu lieu en juillet 2013. Les 5 et 6 octobre 2013 à Rio, la fondation d’Insurgencia a été actée, une organisation marxiste révolutionnaire, internationaliste, s’inspirant des nouvelles pratiques des indignés mais aussi des libertaires des générations passées.
Insurgencia signifie en portugais se lever, se révolter, ne pas se soumettre. Ce nom est l’expression de l’objectif commun des militants socialistes-révolutionnaires qui se battent contre l’oppression dont souffrent les femmes, les personnes LGBT, les enfants, les jeunes et les vieux, les populations noires, les peuples originaires, les différents groupes ethniques, les personnes handicapées, les victimes de la « guerre contre les drogues » et toutes les couches brisées de la société brésilienne. Ce mot incorpore l’idée de construction de mouvements spécifiques, autonomes dans chacun de ces secteurs et il s’oppose à toute tendance autoritaire et disciplinaire. C’est aussi l’affirmation d’une opposition aux politiques d’« État pénal maximal » qui aujourd’hui se développent par l’incarcération de masse, l’élargissement de l’appareil répressif et la criminalisation des mouvements sociaux et des pauvres, presque toujours jeunes et noirs.
Une organisation au sein du PSOL
Les membres d’Insurgencia construisent le Parti Socialisme et Liberté – PSOL – un parti issu de la crise du PT, un parti anticapitaliste large et socialiste qui s’est donné comme objectif de contribuer à reconstruire la gauche brésilienne. Ce parti fonctionne davantage comme un front regroupant différents courants ou organisations. Parmi ces courant le MES – courant moréniste au sein du PSOL travaillant en collaboration avec le MST argentin et Marea Socialista au Venezuela – a fait sa demande d’intégration à la Quatrième internationale. A l’échelle brésilienne et latino-américaine, les différences d’orientation et de pratique militante supposent que des discussions doivent s’engager entre ce courant et les sections de la Quatrième internationale.
Insurgencia fait partie d’un bloc de gauche au sein du PSOL, appelé « Bloco Unidade Socialista », pour renforcer l’orientation gauche du parti qui est actuellement engagé dans des débats de congrès. L’enjeu est d’éviter l’écueil institutionnel et la bureaucratisation du PSOL. La majorité sortante vient de conserver un léger avantage du nombre de délégués locaux qui participeront au congrès national du mois de décembre. Mais de forts soupçons de fraude dans l’Etat d’Amapa vont faire l’objet d’une contestation des résultats. Cette majorité a défendu aux dernières élections des alliances électorales locales avec la droite brésilienne.
Le bloc de gauche regroupe des secteurs militants indépendants et des courants politiques qui pensent qu’il faut faire coïncider l’orientation du parti avec la nouvelle période ouverte par les luttes sociales et éviter à tout prix la répétition des pratiques qui ont conduit le Parti des travailleurs (PT) vers l’assimilation du nouvel ordre bourgeois.
Les interventions militantes
Les membres sont organisés dans des secteurs, tels que LGBT, Femmes, Syndicalisme, Noir et anti-racisme, Écosocialisme, Jeunesse, Droits de la Personne et antiprohibitionnisme.
Dans la jeunesse, un collectif auto-organisé de jeunes doit débattre du nouvel outil de la jeunesse qu’il faut construire. Les jeunes travaillent dans des mouvements larges comme « Rompendo Amarras » (rompre les amarres), « Levante » (debout), « Honestinas » et autres collectifs régionaux. L’unification de ces mouvements de jeunesse se pose et un appel devrait sortir d’ici janvier 2014, impulsant la fondation d’un nouveau mouvement de jeunesse qui dépasserait l’intervention dans la jeunesse scolarisée. Il établirait des liens avec les jeunes d’autres organisations membres de la Quatre à l’échelle internationale.
Sur le front syndical, un nouveau courant national intersyndical se construit, réaffirmant la centralité du droit au travail, l’autonomie vis-à-vis des partis et du gouvernement. Un outil radicalement démocratique, antibureaucratique et ouvert à la lutte politique plus large que simplement sectorielle. L’objectif est que les militants d’Insurgencia et des syndicalistes indépendants agissent conjointement, à la base, dans les mouvements de travailleurs et les quartiers.
Insurgencia regroupe plus de 650 membres et va organiser une Ecole nationale de formation en janvier 2014 dont l’objectif est d’approfondir la mutualisation des expériences et réflexions. Ce sera une opportunité pour préparer, à partir des luttes et des échanges, une nouvelle génération politique capable de construire la résistance au capitalisme, avec une lecture d’un marxisme rénové, rebelle et populaire.
Notes co-écrites par Allan Coelho (Insurgencia) et Flavia Verri (GA-Ensemble
Source : Europes Solidaires