Nous ne vivons pas dans le monde enchanté des Télétubbies, mais dans une société capitaliste en crise, où les politiques menées par les libéraux de droite et de « gauche » s’enfoncent dans une impasse.
Indubitablement, dans un tel contexte, la campagne électorale sera extrêmement âpre. Les petites phrases assassines, les rumeurs, les anathèmes, les peaux de banane, les coups bas risquent d’éclipser les débats politiques de fond, qui devraient notamment porter sur les bilans, les programmes ou les enjeux du 25 mai prochain.
Pour la plupart, il ne s’agira pas tant de convaincre que de dénigrer les adversaires, afin de les disqualifier ! Une cible privilégiée semble d’ores et déjà désignée : la liste PTB-GO.
Sans surprise aucune, naturellement.
La gauche de gauche, marginale pendant longtemps, a souvent été confrontée à la condescendance amusée des partis installés. Mais cette fois, elle pourrait obtenir des élus, qui ne manqueraient pas de battre en brèche les consensus mous de la paresseuse bien-pensance rétro-libérale, ce qui perturberait la quiétude des assemblées parlementaires et des inamovibles députés qui y siègent. Les sourires goguenards se transforment maintenant en rictus un peu moins sympathiques. Haro donc sur ces impertinents qui s’invitent sur un terrain où ils n’étaient pas attendus par les tenants du désordre établi !
Les premiers indices de l’offensive qui va se déployer dans les prochaines semaines ont montré le bout de leur nez. L’accusation de « populisme » est déjà sur beaucoup de lèvres des conservateurs de tous les horizons, inquiets devant la perspective de l’émergence possible d’une force politique résolument située à leur gauche. Et leurs relais complaisants sont rapidement entrés en action.
Ainsi, il y a quelques mois, la RTBF était montée au créneau en programmant une émission consacrée au « populisme », où étaient pêle-mêle amalgamés Syriza et Aube Dorée (Grèce), le Front de Gauche, le NPA et le FN (France), le Parti Populaire et… le PTB, chez nous (voir à ce sujet, mon billet paru sur ce blog : http://rouge-ecarlate.hautetfort.com/archive/2013/12/04/t… ).
Sur « les antennes » de cette même RTBF, était invité récemment (le jeudi 30 janvier) le porte-parole du PTB pour un face-à-face avec des représentants de la rédaction du JT. A cette occasion, les deux journalistes de service ont fait preuve d’une agressivité rarement manifestée lors de la venue de représentants des partis institutionnels. Lors de ce vigoureux interrogatoire, Raoul Hedebouw s’est même vu sommé de dévoiler l’état des finances de son parti ! On imagine déjà la tête de Paul Magnette ou de Charles Michel, lorsqu’ils seront confrontés à un questionnement identique. Ou plutôt, on ne l’imagine pas du tout, car l’audace de la presse vis-à-vis de ces « importants » a ses limites. Entre gens de bonne compagnie, il faut rester raisonnables, chers téléspectateurs !
Autre « anecdote » révélatrice : ce jour , La Libre Belgique donne la parole à un distingué politologue de l’ULB (accessoirement militant du PS), Pascal Delwit, qui évoque l’échec des tentatives d’émancipation du… XXème siècle, et qui épingle la « centralité » récurrente de Lénine dans les rangs de la « gauche radicale » ! Soit.
Mais rien de bien significatif, évidemment, sur la situation présente et les défis de l’heure, si ce n’est une formule traditionnelle (et lapidaire) sur le caractère protestataire de partis qui ne proposeraient rien de concret ! Un peu bref pour un universitaire réputé, qui court les plateaux des télévisions pour commenter l’actualité politique. Mais lorsque « l’expertise » est au service des pouvoirs en place, le « libre examen » et la « rigueur scientifique » peuvent parfaitement s’accommoder de quelques entorses à la réalité…
A l’évidence, cette malveillance « anti-anticapitalistes » de piliers du « journalisme de révérence » ou d’ « intellectuels organiques » du libéralisme et du social-libéralisme, n’est pas propre à la Belgique. En France, durant la campagne des présidentielles, le Front de Gauche et son candidat ont essuyé un feu nourri des uns et des autres visant à les discréditer, de même Syriza en Grèce, lors des dernières élections législatives, en pleine déstabilisation de ce pays par la Troïka.
C’est dire si les puissants, qui étalent en permanence leur arrogance et leurs certitudes, sont peut-être moins rassurés, aujourd’hui, qu’ils ne l’affirment. C’est dire aussi que les combats à mener pour « transformer le monde et changer la vie » ne sauraient faire l’économie de la confrontation idéologique.
La lutte pour rompre avec le capitalisme et proposer une solution de rechange passe aussi par la conquête de l’hégémonie culturelle…
Tout, sauf une mince affaire !
—Alain Van Praet
Source : Rouge-Ecarlate