Cela fait déjà un an et demi que dure cette affaire politique honteuse qui consacre le règne de l’arbitraire policier et de la négation des droits civils dans la Russie contemporaine. On compte déjà des dizaines de prisonnier politique et d’autres personnes sont en passe de le devenir, dans un pays qui s’apprête à faire l’étalage de sa prospérité et de sa puissance lors des Jeux Olympiques d’hiver.
L’histoire tragique de ce que l’on nomme « l’affaire bolotnoe » apparaît en filigrane de l’histoire criminelle du troisième mandat présidentiel de Vladimir Poutine. Car c’est précisément le 6 mai 2012, à la veille de l’inauguration de ce mandat, que des dizaines de milliers de personnes qui avaient pris les rues du centre de Moscou pour exprimer leur opposition ont été les victimes d’une provocation policière grandiose. Les arrestations se sont comptées par centaines tandis que des dizaines de manifestant étaient brutalement passées à tabac. Poutine, qui est arrivé au pouvoir par le biais de falsifications massives, a manifestement décidé ce jour-là de porter un coup fatal au mouvement de contestation de masse qui avait vu le jour durant la campagne électorale.
Quelques semaines plus tard, en mars 2012, les arrestations ont commencé. À l’heure actuelle, 15 personnes sont toujours en prison et 3 sont assignées à résidence. Une série de militants ont été contraints de quitter le pays pour échapper à la prison.
Aujourd’hui, le régime de Poutine continue sa campagne répressive visant à museler l’opposition, d’une part, et déclenche des vagues de xénophobie agressive accompagnées de politiques réactionnaires, d’autre part. Ainsi, quand, en octobre 2013, une attaque raciste contre un marché où travaillent essentiellement des migrants d’Asie centrale a eu lieu dans un quartier de la banlieue de Moscou, Birioulevo, les autorités ont mené un raid policier sans précédent afin de débusquer des « migrants illégaux » et de procéder à leur déportation. Les journalistes des principaux canaux de télévision, qui reçoivent directement leurs ordres du Kremlin, continuent d’insuffler quotidiennement dans la conscience populaire les mythes de l’existence d’une « criminalité ethnique » et d’une « propagande de l’homosexualité » qui menaceraient les « valeurs traditionnelles » du pays. Sous nos yeux, on est en train de former, artificiellement et par la force, une « majorité silencieuse » conservatrice, prête à s’unir au pouvoir dans sa lutte contre les étrangers et les ennemis intérieurs.
Ce « tournant conservateur » de Poutine, épatant de cynisme, est intimement lié à la fuite continue de capitaux russes vers des zones off-shore et les pays d’Europe occidentale. Tout comme l’élite économique, les couches supérieures de la bureaucratie d’Etat ne lient pas leur destin à la Russie, elles rachètent les châteaux des Lords anglais ou bien des kilomètres de plages en Floride. La xénophobie est un produit bon marché bon à être consommé par les pauvres, tandis que les élites préparent leur retrait face à une stagnation de l’économie russe qui s’approfondi.
Dans cette situation, nous, les représentants de la gauche russe, avons plus que jamais besoin du soutien de nos camarades en Europe occidentale, aux Etats-Unis et dans le monde entier. Chez vous, vous avez la possibilité de frapper un grand coup dans l’autosuffisance des représentants de l’élite russe. Chez vous, ils sont obligés de répondre aux questions qu’ils ont l’habitude de rejeter avec arrogance chez eux. Ces derniers temps, nous avons vu des exemples brillants des possibilités d’action : ainsi, le 20 novembre, des activistes ont presque interrompu la session tenue à la Sorbonne par le directeur du Comité d’Enquête de Russie et principal architecte de « l’affaire Bolotnoe », Alexandre Bastrykin. Quelques jours plus tard, en Allemagne, une intervention de l’odieuse députée Elena Misoulina, l’une des principales lobbyistes dans la lutte contre la « propagande gay », a dû faire face à d’importantes protestations.
Il y a un mois, à l’initiative des députés de gauche de la Riksdag suédoise, une résolution parlementaire appelant à la libération des prisonniers politiques russes a été adoptée. Tous ces exemples constituent des moments importants d’une lutte qu’il faut aujourd’hui cultiver. Le 19 janvier, jour où une manifestation contre le racisme et les politiques xénophobes du pouvoir aura lieu à Moscou, nous appelons nos camarades à mener des actions de solidarité avec les prisonniers politiques de Russie.
Nous appelons à mener des piquets face aux représentations de la Fédération de Russie ainsi que devant les institutions de vos propres pays, exigeant l’adoption de résolutions condamnant les répressions politiques.
Envoyez les comptes-rendus de vos actions de solidarité ou toute information/question à l’adresse : russiasolidarity2014@gmail.com
Traduit du russe par Matilde Dugaucquier