Le colonialisme exporte ses coutumes, son style de vie, son idéologie, ses produits, en un mot sa culture vers ses dépendances. Cela prend parfois des formes grotesques. En parcourant un livre de Peter Verlinden, un Flamand catholique qui soufre de nostalgie coloniale, je suis tombé sur une photo qui représente le Père Noël distribuant des cadeaux aux enfants des policiers (noirs) du camp Lufunga à Léopoldville, l’actuel Kinshasa. Ce Père Noël est un peu différent de celui qui parcoure en décembre nos contrées. Assis devant un arbre de Noël paré de quelques touffes d’ouate en guise de neige et un portrait de Sa Majesté Saint-Baudouin I, roi des Belges, il porte un costume civil sombre, un mitre qui ressemble à un sac en papier brun, ses mains sont noires et il porte… un masque blanc ! Et qu’est-ce qu’il offre à cette jeune fille devant lui ? Un sac de pommes de terre, sans doute pour qu’elle s’acculture à la civilisation belge et ses frites. Je ne sais pas de quand date la photo exactement.
Une autre photo nous montre un Saint-Nicolas blanc cette fois-ci, habillé comme il se doit en évêque, qui s’entretient avec les enfants (blancs et noirs) du personnel du service d’information du gouvernement-général, l’Inforcongo. Une troisième photo lie les traditions congolaises aux traditions belges : on voit le Père Noël, on ne distingue pas la couleur de sa peau, mais contre toute l’idée de Walt Disney et de Coca-Cola, habillé en évêque ; il vient de descendre d’un hélicoptère Sikorski et est assis sur un tipoi, cette chaise portée par six indigènes qui transportait les agents coloniaux à travers la brousse mystérieuse et captivante. Les porteurs sont pieds-nus et ont comme tout vêtement une sorte de caleçon.
Le masque blanc du Père Noël noir m’a fait penser au livre Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon, le psychiatre martiniquais anticolonialiste et qui avait choisi de lutter avec FLN algérien contre le colonialisme de sa « patrie », l’ancienne Gaulle.
Vous savez évidemment que Saint Nicolas, le patron des écoliers, a des serviteurs, les Zwarte Pieten (les Pierre Noirs), qui l’aident à monter sur les toits et qui font passer les cadeaux par les cheminées, à condition que tu as été sage et que tu as dit tes prières pour avoir des petits bonbons. Ces Pierre ne sont pas noirs à cause de la traversée les cheminées, mais parce la tradition les lie aux esclaves noirs des grands seigneurs du 17e siècle. À ce propos les Pays-Bas ont été secoué par une querelle qui a fait grand bruit et qui a eu des répercussions en Belgique. On a accusé la fête de Saint-Nicolas comme ayant un côté raciste. Est-ce vraiment nécessaire de bannir une fête traditionnelle pour cette raison ? Pas nécessairement. Mais quand on constate que les premiers défenseurs de la fête traditionnelle avec ses acolytes noirs venaient de la droite et de l’extrême droite, on doit certainement se poser des questions. Pensez à l’attaque contre Tintin au Congo, encore plus raciste que Saint-Nicolas. Le problème c’est que toute la culture occidentale est imprégnée de racisme. Faire disparaître ce racisme par le ‘politiquement correct’ menace de faire disparaître la plus grande partie de nos traditions culturelles. Mieux vaut, selon moi, souligner systématiquement leurs élément racistes en les condamnant. Car cacher nos traditions racistes c’est de l’hypocrisie et ne nous éduque pas. Il faut oser regarder notre passé en face.