Depuis que les sciences et la technologie sont devenues des éléments qui déterminent une large part de notre culture, ce sont elles et non plus seulement la religion, qui sont des porteurs du merveilleux et du miraculeux. Ainsi sont nés la science-fiction d’une part et le fantastique d’autre part. Définissons ces deux termes.
La SF produit des histoires qui obéissent à la rationalité scientifique. La nature est régie par des lois que la physique, la chimie et la biologie peuvent décrire et utiliser. Selon nos connaissances actuelles en physique, voyager dans le temps est impossible, mais en introduisant dans une fiction des lois physiques différentes cela devient possible sans quitter les chemins de la pensée rationnelle propre à la science. On pose un axiome fictionnel sur lequel on construit rationnellement des lois. On a calculé que les données nécessaires pour reproduire (par téléportation) un être humain dans un autre lieu nécessite un ordinateur impossible à construire. Mais en SF un tel ordinateur, obéissant à des lois physiques inconnues jusqu’à présent, devient imaginable. « Scotty, téléportation ! » Il s’agit d’actions scientifiques imaginées, analogues aux actions réelles de notre temps.
Mais tout autre est la fiction qu’on appelle le fantastique. Ici il ne s’agit absolument pas d’actions scientifiques réelles ou imaginées, au contraire. Dans le fantastique l’action est déterminée par des forces qui viennent on ne sait d’où, des influences transcendantes qui échappent à l’analyse et au contrôle rationnel, et qui restent inexplicables. « La vérité est ailleurs » proclame-t-on en anglais dans la série télévisée des X-files qui portent comme titre en français Aux frontières du réel.
La science-fiction ne fait pas de place au surnaturel. Des évènements miraculeux sont possibles, mais ils sont la conséquence d’un postulat, d’une théorie qui, bien qu’imaginés, portent les caractéristique de la pensée scientifique. Dans le fantastique tout est permis. Il n’y a pas de règles, car il ne s’agit pas d’un jeu de notre raison, mais de d’un débranchement de notre raison. Ainsi toutes les formes mystiques possibles entrent dans la fiction. Rien n’empêche que certaines formes du fantastique soient fascinantes en tant que telles et nous touchent profondément. Mais il faut rester conscient du fait que le fantastique est basé sur l’incompréhensible, qu’il s’agit d’une régression intellectuelle, tandis que la SF est basée sur l’ingénieux pour reprendre une remarque de l’écrivain néerlandais Rudy Kousbroek, persécuteur des superstitions camouflées par un vocabulaire scientifique.
Les différentes séries de Star Trek sont des exemples de science fiction, donc d’une fiction basée sur la pensée rationnelle. L’Odyssée de l’Espace, un film de Stanley Kubrik, appartient au genre fantastique. La civilisation humaine y est présentée comme le résultat d’un monolithe, venu on ne sait d’où, sans mentionner l’œuf cosmique à la fin. Comment, pourquoi, reste mystérieux, tout comme la genèse biblique. En général le fantastique est pessimiste : le Mal, inexplicable, y revient souvent. Pensez à Alien. La teneur de la SF est plutôt optimiste, bien qu’elle commence à se poser des questions sur le rôle supposé progressif par définition de la technique, et donc de se poser des questions sur les relations entre technique et mode de production. Dans le fantastique on est dominé par des forces inexplicables et mystérieuses, par des robots devenus omnipotents, ou par des machines, comme l’ordinateur Alpha-60 dans Alphaville de Godard.
Le New Age et la pensée réactionnaire à trouvé une niche fertile dans le fantastique. Défendons la science-fiction. Avez-vous remarqué que dans les épisodes de Star Trek où figure Jean-Luc Picard, on ne connaît plus l’argent ? Et cela vient de Hollywood !
image: Starship Enterprise