Entretien avec Sfia Bouarfa, députée bruxelloise, ancienne sénatrice PS et signataire de l’appel de soutien aux listes PTB-GO!
La Gauche: Pourquoi as-tu quitté le PS maintenant?
Sfia Bouarfa: Depuis quelques temps déjà, j’étais mal à l’aise au PS. Avant, je pouvais encore faire passer des idées très à gauche, notamment sur la politique d’immigration. On portait un programme de gauche avec les militants du PS sur plein de domaines comme la pauvreté, l’exclusion, le racisme, la politique d’immigration et d’asile, la politique internationale, notamment le soutien des pays latino américains, qui ont pris leur indépendance par rapport au joug nord américain… Mais, de plus en plus, ça devenait difficile de proposer et de défendre ces politiques parce que la hiérarchie du PS ne suivait pas.
Le vote du TSCG a été la goutte d’eau. J’ai demandé à ce que le PS ne vote pas ce traité, qui serait de toute façon passé sans nous avec toute la droite dans la majorité. Je leur ai même tendu une perche pour s’en sortir honorablement, en permettant à quelques-uns de voter contre, dans le respect des valeurs socialistes. On a refusé cette proposition sans autre procès. Mais moi j’ai voté contre. J’étais présente dans les manifs avec les syndicats et les citoyens. Je devais être cohérente et voter contre. C’est aussi une question de respect. Jamais dans l’histoire du PS un tel traité n’est passé sans débat dans les sections. Je perdais mes repères en voyant que la base ne réagissait pas et laissait faire la hiérarchie. Cautionner cette attitude et cette politique ultra libérale, c’est mentir aux citoyens qui croient au projet socialiste.
En fait, le PS s’est complètement déshabillé pour avoir le fauteuil de 1er ministre et, depuis, fait tout pour le garder et même le prolonger après le 25 mai. C’est inédit pour un parti de gauche. C’est à pleurer! Finalement, ils m’ont rendu service en votant le TSCG qui m’a décidée à partir parce que j’en avais mare: rien ne me rend plus révoltée que l’incohérence entre les discours et les actes. Les paroles doivent être suivies d’actes. Toujours!
L.G.: Tu aurais pu rester à l’écart de la politique mais tu as choisi de soutenir les listes PTB-GO! Pourquoi?
S.B.: J’ai toujours été proche du PTB et ce, depuis le début des années 90. J’allais à leurs activités, et même à l’un ou l’autre congrès et meetings, aux fêtes qu’on organisait parce que cela me permettait de me ressourcer, comme quand j’allais à la fête de l’Huma à Paris. Je ne voulais pas être sur une liste et mon vœu était de soutenir un rassemblement de gauche élargi à toutes les sensibilités. Les listes PTB-Gauche d’Ouverture avec la LCR et le PC sont déjà un premier pas. Ce rassemblement m’a donné espoir, a fait vibrer ma fibre de militante progressiste. Il ne fallait pas manquer ce rendez vous.
J’aurais évidemment aimé que ce rassemblement s’élargisse plus, à Véga, au PSL et aux autres mouvements de gauche pour éviter une perte d’énergie et de voix à gauche. C’est important pour lutter efficacement contre la droite, l’ultra libéralisme. C’est aussi important parce qu’un rassemblement large pourrait servir d’électrochoc aux militants PS et Ecolo pour les ramener à gauche, remettre les pendules à l’heure sur le programme et éviter de tomber dans les calculs d’apothicaires tout le temps pour rester au pouvoir coûte que coûte.
L.G.: Si les listes PTB-GO! obtiennent des élus, quels conseils leur donnerais-tu pour ne pas tomber dans le piège du pouvoir?
S.B.: On n’est pas obligé de se laisser corrompre par le pouvoir. C’est la ligne que j’ai toujours essayé de garder. Ca vient aussi de mon parcours; si je suis experte dans l’exercice du militantisme, je reconnais que je ne l’étais pas dans l’exercice de la démocratie parlementaire. La première fois que j’ai mis les pieds dans le Parlement, c’est quand j’ai été élue. Je voulais donc d’abord apprendre mon travail de parlementaire, en refusant tout cumul pour pouvoir l’exercer le mieux possible.
J’aurais pu faire comme tout le monde, être vénale, fermer ma g… et accéder sans problème à des postes importants. J’ai préféré être toujours près des gens et à leur écoute, relayer leurs besoins sociaux au parti et dans les différents parlements où j’ai siégé, parlement bruxellois, communauté française et Sénat. J’ai ainsi gardé toute mon indépendance par rapport au pouvoir et ce qu’il a de malsain. Être toujours cohérente avec moi-même et envers ceux qui m’élisent, continuer à faire le relais rue-parlement-rue, ça a été ma force et sans doute aussi ma faiblesse dans l’exercice de la politique telle qu’elle est pratiquée partout. Je n’ai aucun regret, et s’il fallait recommencer, j’agirais pareil.
On peut rester soi-même et être en accord avec ses valeurs quand on est vraiment de gauche.