Les cheminot(e)s ont découvert dans la presse une interview du CEO de la SNCB qui s’offre le luxe de critiquer sa propre entreprise. Du jamais vu !
Il est de notoriété publique que, sous peine de sanctions disciplinaires, il est défendu aux cheminots de s’exprimer dans la presse et ce, pour ne pas porter atteinte à l’image de la société. Les cheminots ont toujours été fiers de leur entreprise et très rigoureux en matière deponctualité. Les accuser d’être indisciplinés en citant des exemples aussi biscornus, prouve que le nouveau CEO n’a rien compris à l’esprit qui règne dans son nouvel environnement et fait preuve d’amateurisme. Les cheminots, ce ne sont pas trois corps de métiers mais toute une chaine dont chaque maillon est indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise!
Or, depuis quelques décennies, la SNCB est baignée dans d’incessantes réformes mises en place à cause de la libéralisation. On assiste à un ballet de consultants qui viennent s’engraisser pour, en finalité, occuper les « postes clefs » au détriment des cadres de l’entreprise ! Tout comme Monsieur Cornu, ils ne connaissent pas grand-chose de l’entreprise mais ils la dirigent! Ils la dénaturent et la rendent méconnaissable afin de mettre en place la stratégie qui permettra, à terme, de la privatiser.
Toutes ces dérives ont conduit à une forte dégradation des relations sociales car ils se complaisent plutôt à stigmatiser les travailleurs que de s’attaquer aux vrais problèmes.
Le dialogue social n’est certes pas une de leur priorité.
Auparavant, il n’y avait qu’un Directeur Général et un seul Conseil d’administration pour 68.000 cheminots. L’entreprise était intégrée et la dette sous contrôle.
Aujourd’hui, les deux entreprises et leurs innombrables filiales se partagent plusieurs CEO’s, Directeurs Généraux et Conseils d’administration. En revanche, le manque de personnel et ses conséquences sur les trafics sont édifiants. En effet, les effectifs ont fondu et affichent des records puisqu’annuellement, l’entreprise perd 1.000 agents malgré les recrutements annoncés. Les 34.000 agents en activité sont donc contraints d’accepter le report de leurs jours de liberté. Cela représente aujourd’hui une dette d’un million de jours envers les travailleurs.
Nous nous situons à un tournant important dans la mesure où la moitié des cheminots sera amenée à quitter l’entreprise endéans les 10 prochaines années.
L’entreprise fonctionne sur base des 40h00 semaine mais doit compenser les jours de liberté tels que prévus par les dispositions légales et réglementaires. Monsieur Cornu oublie que les cheminots doivent assurer des prestations les jours fériés, les week-ends, les réveillons, les lendemains de réveillons, etc… Tout cela est contraignant et pénible à la fois. De plus, ils n’ont pas toujours la chance de pouvoir se rendre en vacances dans une île paradisiaque de l’océan indien…
Le reste n’est que pure fantaisie car ils bénéficient en réalité de 24 jours de congé.
Le comportement du nouveau CEO est indigne, irrespectueux et relève de la provocation gratuite. Les cheminots ne l’oublieront pas le moment venu!
Quant à la pénibilité de sa tâche, on relève une certaine sincérité dans sa déclaration car… Bien sûr qu’à 69 ans, il est plus facile de dire des bêtises que de faire son jardin. Bien sûr que, contrairement à lui, de multiples métiers du rail sont pénibles et nécessitent une retraite anticipée. Bien sûr que l’on peut travailler plus longtemps dès lors que le salaire est aussi attractif!
Soulignons au passage, qu’il peut encore siéger dans d’autres Sociétés contrairement aux cheminots qui sont soumis au règlement relatif aux incompatibilités. Bref, Monsieur Cornu se croit tout permis et ignore totalement les droits et devoirs des cheminots, leur statut. En réalité ce dernier aimerait remettre en question tous les compromis laborieusement négociés durant ces 35 ans de restructurations. Tout remettre en question aurait l’effet d’une bombe !
Nous savons que ses déclarations ne tombent pas par hasard. La CGSP n’a pas fait grève par hasard non plus! Nous avions rapidement compris quelles étaient ses véritables intentions et celles des décideurs politiques. Les cheminots étaient en droit d’attendre quelque chose de positif d’autant qu’il n’y a plus de convention collective depuis 2011! Aujourd’hui, il critique voire menace ses travailleurs dans la presse, demain il devra compter sur leur étroite collaboration, notamment, en ce qui concerne le nouveau plan de transport…
Il devra faire preuve d’un peu plus de discipline et de respect !
La machine est complètement grippée à cause de décideurs qui cherchent à nuire pour justifier les restructurations destructrices d’emplois, de qualité du service, d’une meilleure sécurité, d’une meilleure ponctualité, etc…
Dans les propos de Monsieur Cornu, on peut lire qu’il aimerait s’inspirer des tarifs 3 fois supérieurs pratiqués en Angleterre par exemple. C’est la vision ultralibérale qui l’emporterait au détriment de tarifs publics équilibrés pour les usagers. C’est aussi, faire un pied-de-nez aux aspects écologiques et à la lutte contre les effets de serre que d’aucuns devraient mettre en avant. Il aimerait cependant diriger l’entreprise d’une main de fer et sans les contraintes que lui imposerait son conseil d’administration. L’indiscipline est un mot qui lui colle décidément à la peau.
Il s’agit pour nous d’une manipulation de masses qui consiste à payer des salaires indécents, des fortunes à des gens sans scrupule pour amener la polémique dont les objectifs sont de diviser les travailleurs et d’affaiblir les droits syndicaux.
Lorsque des gens se battent pour maintenir un niveau social acceptable, c’est mal! Ce sont des privilégiés!
Ils défendent les emplois contractuels, la sous-traitance aux pratiques douteuses, le travail intérimaire, le dumping social et condamnent ensuite les travailleurs victimes de cette précarité (chômage).
Ils décident de tout et pourtant la dette a explosé ! La faute à qui ?
ABX, représente la moitié de la dette, il n’y a plus le moindre actif et donc l’entreprise en subit les effets « boule de neige ». La faute à qui?
Quant à B-logistics qui représente l’autre moitié de la dette, la libéralisation, un management approximatif, la dette de ces filiales privées, la suppression de milliers d’emplois… La faute à qui?
Les manques d’investissements (sauf les gares de prestige) pour que le rail soit performant, un report de la dette de l’Etat,… La faute à qui?
Alors, quand il parle de la Sabena, il ne faudrait pas s’étonner que certains se délectent déjà à l’idée de s’approprier une entreprise pour le franc symbolique tout en laissant ses dettes sur le compte de l’Etat. Ne soyons pas naïfs, c’est l’un des objectifs que s’est fixée la Commission européenne pour détruire les services publics. Doit-on s’étonner de cela quand Monsieur Cornu met en évidence, lui-même, le coût par ménage? Mais, bientôt, nous vivrons dans des Sociétés gérées par des capitalistes, des banques qui voudront augmenter leurs bénéfices en faisant payer très cher les billets et abonnements! Ces Sociétés existent et fonctionnent de la sorte en Angleterre!
Quant au service minimum que le Ministre des Entreprises Publiques voulait éviter en imposant, en contrepartie, la présence du SLFP à la Commission Paritaire Nationale démontre une nouvelle fois la confiance que l’on peut accorder à la Politique.
Quoi qu’il en soit, dans un peu plus d’une semaine, la CGSP consultera ses instances et envisagera la riposte adéquate !
Monsieur Cornu avait déjà jeté une première pierre dans notre jardin, cette-fois, c’est un wagon entier de ballast qu’il vient de déverser!
Serge PITELJON
Secrétaire Général