Aux élections législatives du 13 juin 2010, six organisations politiques – la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), le Parti communiste (PC), le Parti socialiste de Lutte (PSL), le Parti humaniste (PH), le Comité pour une Autre Politique (CAP) et Vélorution – avaient uni leurs forces pour déposer en Wallonie et à Bruxelles une liste unitaire sous la dénomination «Front des Gauches». Pierre Eyben, à l’époque membre du Parti communiste, était tête de liste à Liège. Il était aussi éditeur responsable du matériel électoral du Front des Gauches (tracts, affiches, dépliants, etc.). La grande majorité des 3.000 affiches éditées lors de cette campagne avait été distribuée aux militants des six partis en leur rappelant clairement l’interdiction des affichages «clandestins». Ces affiches avaient aussi été mises à la disposition du public lors de meetings électoraux.
Après la campagne électorale, la Ville de Bruxelles a envoyé à Pierre Eyben une «invitation» à payer des taxes pour incivilités en matière de propreté publique: un montant de 1.200 euros pour une vingtaine d’affiches collées à Bruxelles au mauvais endroit. Inutile de dire que Pierre Eyben, habitant Liège, n’est pas l’auteur de cet affichage «clandestin» à Bruxelles. Il est poursuivi en tant qu’éditeur responsable. Selon la loi, l’éditeur responsable d’un écrit (tract, affiche, livre) est responsable du contenu d’un écrit mais pas de la façon dont celui-ci est diffusé. Les autorités communales de la Ville de Bruxelles contournent ce principe fondamental en utilisant le mécanisme des sanctions administratives qui permettent d’imposer une taxe pour «incivilité». Une affiche électorale apposée au mauvais endroit est ainsi traitée de la même façon qu’une crotte de chien qui traîne sur un trottoir.
Les sanctions administratives constituent un abus de droit car elles sont infligées par une autorité administrative qui est à la fois juge et partie. Utiliser un tel dispositif en matière électorale est de plus une grossière entrave à la liberté d’expression. Au mépris de toute équité, et sans que cela puisse s’appuyer sur la loi électorale, la Ville de Bruxelles attribue un nombre extrêmement restreint de panneaux d’affichage aux «petites» listes qui doivent souvent se partager à plusieurs un seul panneau, alors que chaque parti traditionnel dispose de plusieurs panneaux. Les partis traditionnels utilisent d’ailleurs abondamment ces panneaux non pas pour y proposer des idées ou un programme, mais pour y placer la photo de quelques candidats importants de la même liste qui rivalisent en voix de préférence. Quel gaspillage d’espace et de papier! Alors qu’en France la loi électorale prévoit un panneau d’affichage par liste, rien de tout cela n’existe dans la loi électorale belge.
Pierre Eyben a contesté la décision administrative auprès du Collège des Échevins et Bourgmestre de la Ville de Bruxelles qui refuse d’entendre les arguments de l’éditeur responsable. L’affaire est en justice et devrait être jugée en 2016.
Tout ceci coûte de l’argent. Mais c’est le prix de la liberté d’expression pour celles et ceux qui tentent de faire entendre une voix à contre-courant. Un compte bancaire de solidarité a été ouvert pour couvrir les frais d’amendes et de justice («Solidarité Démocratie», IBAN BE35 5230 8045 4202, BIC TRIOBEBB). Nous invitons les lecteurs de La Gauche à soutenir financièrement cette action en justice car il s’agit de défendre un principe essentiel: la liberté d’expression.
Depuis 2010, le Front des Gauches n’existe plus, de même que le CAP et Vélorution. De surcroît Pierre Eyben a quitté le Parti communiste pour rejoindre VEGA. Voilà qui ne simplifie pas les choses. Mais sur le fond cela ne change rien. Il ne s’agit pas de défendre un individu en particulier ou une boutique, mais le principe de la liberté d’expression politique. Sur ce plan, tout mauvais coup porté à Pierre Eyben ou à un.e autre par les autorités doit être combattu car il constitue un précédent inacceptable.