Nous avons relayé sur ce site l’appel à la solidarité avec les victimes du typhon Haiyan lancé par l’association « Europe Solidaire Sans Frontières ». Nous publions ci-dessous un rapport intermédiaire sur l’utilisation des fonds collectés. Rédigé par notre camarade Pierre Rousset, il montre concrètement l’efficacité d’une solidarité militante, horizontale, par rapport à l’aide acheminée à grands frais par les grosses structures. La collecte de fonds se poursuit. Nos lecteurs peuvent y participer en versant une contribution sur notre fonds de lutte (cliquer sur le bouton PayPal ci-dessous.) Bien mentionner « solidarité Philippines ». Nous ferons suivre auprès de nos amis d’ESSF. –LCR-web
Quatrième point d’information sur notre campagne de solidarité avec les victimes du super-typhon Haiyan/Yolanda aux Philippines
La campagne financière
Le vendredi 6 décembre 2013, nous avons opéré un nouveau transfert de 1.000 euros pour soutenir la campagne de Mi-HANDs intitulée « Solidarité de Mindanao avec les survivant.e.s du typhon Yolanda » (Mindanao Solidarity for Typhoon Yolanda Survivors).
A ce jour, nous avons donc envoyé un total de 12.000 à Mi-HANDs – soit 12.500 € en tenant compte des deux autres petites contributions mentionnées dans le précédent point d’information (aide à la reconstruction de maisons de membres du syndicat des tricycles à Tacloban, ainsi qu’à l’accueil de familles réfugiées à Manille).
L’action de Mi-HANDs se concentre dans le nord de l’île de Leyte, l’une des zones les plus dévastées par le super-typhon Haiyan/Yolanda. Nous avons déjà rendu compte de l’arrivée des secours à Ormoc. Depuis, les équipes militantes venues de Mindanao se sont aussi rendues à Palompon et Villaba.
A Palompon
Un grand camion avait été loué pour acheminer l’aide – près de 1.200 lots de nourriture, de produits hygiéniques… – d’Iligan (Mindanao) à Ormoc (Leyte). Sa location coûtant très cher, il a dorénavant fallu s’en passer. Du coup, les équipes militantes se sont levées à 4 heures du matin pour pouvoir effectuer dans la journée trois voyages vers Palompon, chaque aller et chaque retour nécessitant deux heures. A la tombée de la nuit (18 heures), c’était chose faite.
Le 30 novembre, les secours étaient destinés à 413 foyers dans la localité de Sitio Kalag-itan, Barangay Lat-osan (municipalité de Palompon), en bordure de la route principale et d’accès facile. Cependant, de même que dans les villages plus reculés d’Ormoc, aucune aide gouvernementale n’avait encore été distribuée en ce lieu et la population n’avait bénéficié que d’une seule visite d’une institution privée.
A part quelques services (transports, laverie…), l’essentiel de l’activité économique est agricole. Du fait des dévastations, la plupart des travailleur.e.s – sinon tous – ont perdu leur emploi. Les autorités locales ont présenté une liste incomplète de familles à aider tirée du registre des votants. Plutôt que de s’en tenir à elle, une liste de bénéficiaires a été établie directement avec la population.
Les trois équipes ont mené à bien sans difficulté particulière leurs tâches : distribution des lots de secours, soins médicaux et thérapie psychosociale destinée aux enfants de 7 à 10 ans afin de leur permettre d’exprimer leurs sentiments après le passage du super-typhon et leurs espoirs : certains ont déclaré qu’ils souhaitaient devenir enseignants, docteurs ou infirmières pour aider les personnes dans le besoin…
A Villaba et Ormoc
Le 2 décembre, ce sont 542 foyers qui devaient être aidés dans trois localités : 124 foyers à Bangkal, municipalité de Villaba, plus au nord ; 373 à Curva et 45 à Tambulilid (tous deux à Ormoc City). Une grosse journée en perspective : les volontaires se sont à nouveau levés à 4 heures du matin…
De l’aide ? Les habitants n’y croyaient pas trop, craignant qu’il ne s’agisse que d’une mise en scène ou d’une distribution a minima. Ainsi, des familles se sont contentées d’envoyer les enfants chercher le peu qui serait offert – des enfants qui ont dû revenir appeler leurs parents à la rescousse, car ils ne pouvaient porter les lots de secours qui comprenaient chacun 5 kg de riz, un kilo de lentilles vertes, du poisson séché, des boites de conserve, de l’huile de cuisine, du sel, de la sauce de soja et des produits d’hygiène qu’ils n’espéraient pas ! L’émotion était forte, la qualité et la quantité des biens distribués ont été très appréciées.
Pour que les gens acceptent de se faire soigner, l’équipe médicale de Mi-HANDs a d’abord dû expliquer ce qu’était la médecine orientale qui allait être utilisée : acuponcture, herbes médicinales… 142 personnes ont reçu des soins.
80 enfants ou jeunes de 4 à 17 ans ont participé à des activités psychosociales, avec le soutien de leurs parents : s’exprimer à travers des jeux, apprendre à se connaître, se préparer mieux à faire face à des catastrophes…
Le 3 décembre, les activités ont commencé dès 6 heures, 5 barangays à Ormoc City devant être desservis le matin, soit 281 foyers répartis ainsi : Alegria – 23 foyers ; San Pablo – 63 foyers ; Luna – 30 foyers ; Punta – 25 foyers ; Sitio Su-ong- 140 foyers.
Les activités psychosociales ont concerné cette fois plusieurs douzaines d’enfants et de jeunes de 1 à 17 ans. Il était cependant difficile de trouver des lieux adéquats pour mener ces activités (et les soins médicaux) alors qu’une pluie continuelle ne facilitait pas les choses.
L’aide apportée par Mi-HANDs durant toutes ces journées a été beaucoup plus importante que tout ce qui avait été distribué auparavant et la population n’a pas ménagé ses remerciements aux donateurs et volontaires. Ces derniers ont pour leur part vécu une expérience humaine très riche.
Une étape se clôt, une autre s’ouvre
Une étape de la campagne s’est close, celle des premiers secours. Toutes les équipes qui étaient parties à Leyte sont revenues à Iligan où elles ont retrouvé, les 4 et 5 décembre, celles qui étaient restées mobilisées sur place, à Mindanao, afin de tirer ensemble un bilan des tâches accomplies, puis d’envisager la suite.
Bilan chiffré
Les équipes de Mi-HANDs sont intervenues dans six barangay, situés dans le périmètre administratif d’une ville (« city ») et dans deux municipalités. Il était au départ prévu de distribuer de l’aide à 1042 foyers, mais ce sont en fait 1168 familles qui ont bénéficié des secours.
Au total, 522 personnes ont reçu des soins médicaux, dont 270 femmes et 252 hommes. 563 enfants et jeunes ont participé aux activités psychosociales, dont 212 filles et 351 garçons.
Les fonds levés pour cette première étape de la campagne se montaient à 1.325.000 pesos (30.813,15 dollars ou 24.537,04 euros). Les dépenses (estimation initiale) seraient d’environ 1.310.000 pesos (24.259,26 euros). Un bilan financier plus précis sera fourni ultérieurement.
L’origine des fonds reçus est la suivante :
• ESSF pour un total (à l’époque) de 11.000 euros.
• Prêts locaux pour un montant 800.000 pesos (soit 14,814.00 euros).
• Collectes locales de 54.000 pesos (1000 euros).
• D’autres groupes de solidarité internationaux ont appelé à dons, comme des partenaires engagés sur le terrain du développement en Belgique, au Luxembourg et aux Etats-Unis, mais ils n’ont pas encore envoyé de fonds.
• Ne sont pas comptabilisés ici les dons en nature. Par exemple, NADA a fourni 5.000 aiguilles pour acupuncture. Cette aide matérielle sera aussi détaillée ultérieurement.
Recommandations
Toutes les équipes militantes se sont retrouvées en bord de mer, près d’Iligan, pendant deux jours.
Après un peu de repos, bien mérité, les participant.e.s ont discuté en ateliers des leçons de l’expérience et présentés une série de recommandations concrètes :
• Une petite équipe doit retourner aussi vite que possible à Ormoc pour préparer l’étape suivante de la campagne – la réhabilitation initiale (« early recovery ») – avec choix d’un centre d’opération et une étude plus précise des conditions et besoins.
• Formation de plus de volontaires à la gestion des secours, aux activités psychosociales, à l’aide médicale, ainsi qu’à « l’enquête sociale » (social investigation) sur la base de laquelle les activités peuvent être correctement prévues.
• Renforcer en priorité la capacité de membres des communautés concernées à jouer un rôle actif dans la reconstruction de leurs cadres de vie. Ce point est particulièrement important, car, dans toutes ces localités, il n’y avait pas de mouvements sociaux actifs. Il existait probablement des groupes de paroissiens, mais qui n’ont pas résisté au passage dévastateur du typhon.
• Poursuivre la collecte de ressources financières, des soutiens logistiques et matériels tant localement qu’avec les partenaires internationaux.
• Envoyer d’urgence des docteurs, infirmières et sages femmes pour répondre au risque d’épidémies, notamment dans les centres d’évacuation.
Une fois les échanges terminés, les militant.e.s ont profité de la mer pour se détendre…
Ce n’est qu’un début…
Par bien des aspects, la campagne de solidarité initiée par Mi-HANDs a posé des jalons pour l’avenir. Elle s’appuie sur une mobilisation militante et non pas sur de lourdes structures administratives, des appareils de permanents : c’est véritablement une solidarité « horizontale », populaire, entre deux régions (Mindanao et les Visayas) et envers des inconnus alors qu’aux Philippines, ce type d’aide, non institutionnelle, ne concerne généralement que les proches, les seules membres de sa famille.
La phase qui s’ouvre est cruciale pour pérenniser les liens initialement tissés et aider à la reconstruction des conditions de vie, pour favoriser la constitution de mouvements sociaux locaux à même de défendre les droits des communautés populaires. Mais c’est une étape difficile, y compris parce que l’aide gouvernementale fait jusqu’ici totalement défaut : si elle existait, il serait au moins possible d’exiger qu’elle soit équitablement répartie…
Sur le plan international, on l’a vu, Mi-HANDs espère recevoir des soutiens de partenaires en Belgique, au Luxembourg, aux Etats-Unis…, mais pour l’heure, l’aide financière n’est concrètement venue que de la campagne initiée par ESSF. Espérons nous aussi que cela va changer, mais il est de notre responsabilité de poursuivre l’effort de solidarité engagé.
source : Europe Solidaires