J’admire Stephen Jay Gould (1941-2002). Ce socialiste radical américain était paléontologue et professeur de géologie à l’université de Harvard. Charles Darwin était son héros. Parmi les biologistes évolutionnistes, il est connu pour sa théorie des « équilibres ponctués » dans l’évolution des espèces. Son œuvre maîtresse, La structure de la théorie de l’évolution dépasse ma compréhension mais ses livres de vulgarisation ont atteint un large public. Gould a également mené dans son pays natal le combat contre les créationnistes et en particulier contre la pseudoscience de ces derniers, représentée par le « design intelligent ». Cette théorie postule l’existence d’un créateur suprême et vise à contourner la loi pour imposer l’enseignement du créationnisme en tant que science équivalente au Darwinisme à l’école.
Ses réflexions sur l’histoire naturelle à l’attention d’un public large qui veut s’instruire, ont eues et continuent à avoir un impact considérable. Gould a comme point de départ une attitude progressiste, antiraciste, scientifique et culturelle dans le sens large du mot. Il attaque aussi sans aucune concession le « darwinisme social », arme pseudo-scientifique de tous les réactionnaires. Ses livres de vulgarisation dans le sens noble du mot sont composés d’articles qu’il écrivit chaque mois de 1974 à 2011 pour la revue Natural History. Le premier livre, à ne pas manquer si vous voulez comprendre les bases de la théorie moderne de l’évolution, a été publié en français sous le titre Darwin et les grandes énigmes de la vie (« Ever since Darwin », 1977). Quelques autres titres de la série : Le pouce du Panda, Quand les poules auront des dents, Un hérisson dans la tempête. Sur le racisme et la discrimination en général, il faut consulter La Mal-mesure de l’homme, dont une traduction française augmentée a vue le jour en 1997.
Stephen Jay Gould, né de parents juifs à New York, et grand fan de baseball, était non seulement radical dans sa pratique scientifique et éducative, mais aussi dans sa défense d’un socialisme émancipateur et anticapitaliste.
Les Belges (qu’ils soient nationalistes ou pas) apprendront avec plaisir que Gould a également édité les travaux de Louis Dollo (1857-1931), le paléontologue du Musée des Sciences Naturelles de Belgique où vous et vos enfants ont certainement admiré les Iguanodons de Bernissart, les dinosaures fossiles qui ont été rassemblés par Louis Dollo lui-même. C’est Dollo qui a formulé la loi de l’irréversibilité dans l’évolution des espèces.
(La semaine prochaine : Culture contre civilisation)
Stephen Jay Gould dans son bureau à Harvard, 1986
photo (détail): Deborah Feingold