Daniel Bensaïd, Ugo Palheta et Julien Salingue, Les Prairies ordinaires, 2016, 18 euros.
Ugo Palheta et Julien Salingue se sont associés pour remettre au goût du jour une partie méconnue des travaux de notre camarade Daniel Bensaïd. Ils rééditent une brochure de Daniel, initialement publiée par les éditions La Brèche en 1987, en l’accompagnant d’une introduction consacrée à la pensée de Daniel, ainsi que d’une postface consacrée à l’actualité du sujet.
Ugo et Julien nous invitent à nous pencher sur cette contribution écrite en 1986 dans une période désenchantée issue du rendez-vous révolutionnaire raté de Mai 68, un chapitre définitivement clos par les espoirs déçus de son « effet différé », l’élection de François Mitterrand en 1981… Devançant une phase brutale de reflux politique, Daniel a couché sur le papier les premiers bilans politiques afin de garder entrouverte la voie des espérances émancipatrices. De fait, le monde change déjà et bascule progressivement dans un nouveau siècle politique. « Le grand cauchemar des années 1980 »ne nous apparaît alors plus que comme le prélude à la nuit noire idéologique du début des années 1990.
Dès lors, cet écrit peut se relire comme l’amorce d’un travail théorique de réactualisation auquel Daniel se consacrera sans relâche. Avec ses questions lancinantes : comment de rien le prolétariat peut-il devenir tout ? Comment maintenir, lorsque les couleurs sont passées de mode, une perspective stratégique adaptée, c’est-à-dire un projet de renversement du pouvoir dominant qui permette aux situations révolutionnaires d’aboutir, les poussées venues « du bas » et des divisions du « haut » ne suffisant pas d’elles-mêmes ? Comment tirer le meilleur des expériences du passé, de la Révolution russe aux soulèvements antibureaucratiques à l’Est, sans oublier l’apport des révolutions anti-impérialistes ?
Trouver le moyen
de « recommencer »
Ugo et Julien insistent ainsi sur la persévérance visionnaire de Daniel, une opiniâtreté théorique à l’épreuve des défaites politiques qui n’a jamais été synonyme de conservatisme ou de repli sur soi. à ses yeux, le marxisme ou le léninisme, ne se pouvaient s’envisager que comme des pensées en mouvement, en perpétuelle remise en question et en quête d’actualisation constante. Daniel était un militant de parti, car il décelait dans cet outil le moyen concret de confronter les idées à la pratique, le souhaitable au réel, le vieux au neuf, et le particulier au global. Un lieu d’« accumulation d’expériences mémorisées » et un espace de médiations entre social et politique.
En déterrant ce texte, Ugo et Julien insistent aussi sur l’importance de la trajectoire théorique de Daniel pour notre courant, en mettant en avant sa déconcertante envie de trouver le moyen de « recommencer » ainsi que son goût communicatif et intact de faire vivre nos idées. Leur phrase liminaire semble écrite de sa plume : « Comment demeurer communiste dans une époque de défaite en s’évitant la honte d’un reniement qui mène immanquablement au camp satisfait des vainqueurs ? » Par où recommencer en effet ? Comment écrire une nouvelle page en restant dans le même livre ? Dans leur postface, nos deux camarades apportent leur contribution, et rendent ainsi le plus bel hommage que l’on puisse faire à Daniel : perpétuer ses réflexions.
Source : NPA