Un rapport récent de l’ONU confirme l’existence de vingt « points » en Syrie qui souffrent du blocus complet et de la famine de la population civile. Cela concerne 400 000 personnes, dont des enfants, femmes et vieillards. Des dizaines meurent de faim au quotidien. Ce rapport chiffre également à environ quatre millions le nombre de personnes qui ne bénéficient que de peu d’aide humanitaire pour leur survie…
La plupart de ces régions sont encerclées par les forces armées du régime et de ses alliés. Les villes de Kifraya, Alfoua, Nibil et Alzahra, sont, elles, encerclées par les factions djihadistes et réactionnaire comme Daesh (l’État islamique), Jabhat al-Nosra, Jaish al-Islam et Ahrar al-Sham.
Le déploiement russe au service du régime syrien
Depuis l’annonce de l’intervention militaire directe de la Russie en Syrie le 30 septembre dernier, la situation militaire et politique a connu un changement et une accélération. Sur le plan militaire, une offensive sur plusieurs fronts de l’armée régulière et des milices alliées a été enregistrée. Et le régime a pu récupérer le contrôle sur une étendue plus importante de territoires.
En effet, lorsque l’armée turque a abattu un avion militaire russe le 24 novembre, cela n’a pas eu l’effet de dissuasion escompté par le gouvernement turc AKP. Au contraire, la Russie de Poutine a considéré cet acte comme « hostile » et a décidé de déployer une armada impressionnante en mer, sur terre et dans l’air, officialisant la mise en place de son système de défense aérienne le plus sophistiqué (le S400). Le gouvernement russe, pour bien afficher sa volonté de domination en Syrie, déclare que toute « menace » à ses forces présentes en Syrie sera désormais détruite immédiatement.
De ce fait, en Syrie, la zone d’exclusion aérienne, ou zone tampon, demandée par le gouvernement turc, tombe à l’eau. Si une zone d’exclusion existe ce jour, c’est du côté turc de la frontière. Aujourd’hui, presque toute la zone nord-ouest de la Syrie, qui connaissait la présence des factions « turkmènes » proches du gouvernement turc, a été récupérée par le régime (dont récemment les fiefs de Salma et Rabia), avec des protestations turques à peine audibles…
Quelles négociations ? Quel accord ?
Sur le plan politique, il apparaît de plus en plus qu’un accord-cadre entre les États-Unis et la Russie se fait concernant la Syrie : la déclaration de Genève le 30 juin 2012, puis celle de Vienne en novembre 2015, transformée en résolution du conseil de sécurité de l’ONU fin décembre 2015 (sous le numéro 2254). Dans tous ces documents, il n’est pas question de « changement de régime », ni de départ « forcé » ou obligatoire du dictateur. En effet, ils parlent de négociations pour arriver à un gouvernement de transition par acceptation mutuelle.
Dans cette approche, l’Arabie saoudite a parrainé une réunion de « l’opposition » syrienne début décembre, pour former une « haute commission de négociations » qui comprend en particulier les personnes qui lui sont proches. Cette commission s’est déclarée la seule légitime à négocier, en exigeant l’arrêt des combats, la libération des prisonniers et la confirmation que Bachar el-Assad n’a pas sa place dans la période de transition, comme conditions préalables pour participer aux négociations de Genève III en cours.
A Genève, aucune légitimité populaire
Mais, en réalité les choses sont différentes, le ministre saoudien des Affaires étrangères ne parle plus de départ de Bachar à court terme : dans sa dernière déclaration cette semaine, il précise qu’« il n’y a pas d’avenir pour Bachar dans l’avenir de la Syrie ». En même temps, Staffan de Mistura, le représentant de l’ONU pour la Syrie, a invité plusieurs délégations de « l’opposition » pour participer cette semaine aux négociations. L’une proche de l’Arabie saoudite et de la Turquie, une autre le « Conseil de la Syrie démocratique » – dont la composante la plus importante, le parti kurde PYD, n’a pas été invitée –, une délégation de « l’opposition intérieure » proche de la Russie, et une délégation de la « société civile » qui ne représente rien… excepté le régime.
Il est prévu six mois de négociations avant de former un gouvernement d’« union nationale » ou de transition selon l’interprétation des parties présentes. Et le fait est que ce sont les combats sur le terrain qui vont orienter l’issue de ces négociations. La Russie, le régime et ses alliés accélèrent leurs offensives, en particulier contre l’Armée syrienne libre pour la détruire ou l’affaiblir au maximum. Ainsi ne restera que Daesh et les djhadistes sur la scène pour justifier un minimum de concession politique.
Le drame est qu’aucune des parties présentes à Genève III n’a de légitimité populaire. Les premières demandes des masses syriennes aujourd’hui sont la paix, l’arrêt des combats, des bombardements, du blocus, la libération des prisonniers et le retour des déplacéEs. Mais les revendications de la révolution demeurent : la liberté, le pain et l’emploi, et la dignité.
Source : NPA