Aujourd’hui, je vais parler de politique. Modérément, rassurez-vous. Je ne voudrais pas marcher sur les orteils des camarades responsables de ce site, qui maintiennent debout une demeure vieille de plus de 75 ans. Ce qui est un indéniable signe de persévérance. D’obstination même.
Donc la politique, car il ne vous aura pas échappé que les électeurs que nous sommes (– en principe – une fois tous les quatre ans, par la magie du suffrage universel) devront répondre à l’appel de leurs chères urnes le 25 mai 2014.
Tous les partis politiques, du plus petit au plus grand, en passant par le CDH, sont déjà sur la ligne de départ. Certains, ne voulant pas revivre la mésaventure du lièvre dans sa confrontation avec la tortue, sont même déjà partis. Sur des chapeaux de roue. Ce qui nous donne à suivre quotidiennement de plaisantes déclarations des ténors du landernau politicien, principalement dans la presse réputée grande.
Mais laissons la campagne électorale à ses péripéties et intéressons nous surtout à ce qui est vraiment digne d’intérêt, la situation de la gauche. Je veux dire celle qui n’a pas renoncé à changer la vie et à transformer le monde, selon la synthèse de Marx et de Rimbaud formulée par le camarade Breton (le poète, pas le quidam débarqué à Paris de sa Bretagne natale et néanmoins pluvieuse).
Bref, la « gauche de gauche » comme la nommaient dans le temps Bourdieu et ses potes. Qui n’est pas à confondre avec la gauche de droite qui n’est peut-être finalement qu’une droite de gauche. Allez savoir dans la brume intellectuelle poisseuse de l’époque…
Ce qui est certain, c’est qu’Elio et sa confrérie ne veulent ni interpréter ni changer la société. Ils s’appliquent humblement à respecter le mandat qui leur a été donné par les dominants : gérer le capitalisme en bon père de famille et sauvegarder les intérêts des nantis, au détriment du plus grand nombre (je n’ose écrire du peuple, de peur d’être taxé de « populiste ». Par les temps qui courent, il est de ces étiquettes qui peuvent vous coller à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock. Impossible de s’en défaire, c’est pourquoi… prudence !)
Revenons à nos moutons. Ou à nos tigres. Rouges. Notre gauche de gauche a au moins deux caractéristiques : (1) elle est fortement minoritaire ; (2) elle est morcelée en petits partis (constat objectif), toute convaincus de détenir la « ligne juste » (appréciation grinçante, donc constat subjectif).
Cette gauche plurielle ne se distingue pas seulement par de notables divergences mais aussi par de nombreuses convergences, notamment dans les matières socio-économiques.
La question qui revient à l’occasion de chaque scrutin est dès lors celle-ci : pourquoi ne pas donner la priorité à ce qui unit plutôt que privilégier ce qui sépare ? Ou, pour le dire autrement, pourquoi entretenir la division et ne pas miser sur un regroupement des « forces » ?
Une interrogation qui en taraudent d’autres, notez-le bien. Tenez, par exemple, la FGTB de Charleroi, qui n’est pas réputée être une secte, est sortie du bois. Sans ambiguïté. Demandant de mettre les ego de côté, de construire en se rassemblant, de faire preuve de cohérence dès l’année prochaine en portant des listes unitaires en Wallonie et à Bruxelles, afin de pouvoir faire entendre la voix de la gauche anticapitaliste dans les enceintes parlementaires.
Toute les organisations concernées du « pays noir » ont répondu favorablement à l’appel et soutiennent cette démarche décomplexée. Mais personne ne semble faire le moindre pas concret en avant pour la traduire dans les actes !
Certains diront sans doute qu’il faut donner du temps au temps et que la situation est complexe. D’autres, et peut-être les mêmes, montreront du doigt les voisins, qui seront accusés pour la circonstance de sectarisme. De fil en aiguille, la notion d’urgence sera une fois de plus diluée dans la durée. Si ce n’est en 2014, ce sera en 2019. Rien ne presse. A chaque jour suffit sa peine. Et puis, rien ne nous empêche de nous retrouver dans les luttes, n’est-ce pas camarades ? Naturellement, il est difficile de saisir cette opposition entre unité dans les luttes et unité dans les urnes, mais les voies des grands stratèges « marxistes » sont impénétrables…
M’enfin (© Gaston) !
J’avoue avoir un peu de mal à comprendre que les têtes pensantes de « l’alternative » paraissent ignorer que la division de la gauche de gauche, c’est la division des voix qui se porteront à gauche du PS et d’Ecolo. Et que cette dispersion d’un électorat en quête de changement profitera aux partis institutionnels qui veulent garder tout en l’état.
Le PTB donne ainsi à penser qu’il est convaincu qu’une trajectoire solitaire lui permettra de décrocher ses premiers parlementaires, un objectif qu’il poursuit d’ailleurs depuis longtemps. Le MG est persuadé qu’il pourra sauvegarder -seul- le siège de son patron, Bernard Wesphael, un siège décroché sur une liste… Ecolo. La LCR, le PC, le PSL et d’autres, qui avaient constitué naguère un éphémère « Front des gauches » sont pour le moment inaudibles.
Il est, par conséquent, inutile de se raconter des fariboles : c’est mal engagé et il n’y a guère lieu d’être plus optimiste quant à la suite des événements !
Le sectarisme n’est pourtant pas une fatalité.
Si les formations politiques de cette gauche se moquent des alliances utiles, les électeurs risquent de tourner le dos à de telles formations politiques aussi insouciantes.
Faudra-t-il voter blanc (c’est aussi une manière d’exprimer un point de vue face à une réalité que l’on désapprouve !) pour faire évoluer ceux qui se regardent depuis des décennies en chiens de faïence ?
Il n’est sans doute pas trop tard pour apporter un démenti à la légère inquiétude exprimée ici, mais il est l’heure de prendre des initiatives destinées à lever les blocages absurdes.
Qui s’y colle ?
—Alain Van Praet