Ah les amis ! Pardon, ah les camarades ! Enfer et damnation. L’été va prendre congé, nous abandonnant lâchement aux froides morsures d’un hiver désormais proche. La mélancolie va reprendre ses droits. Pour la conjurer, juste l’instant d’une courte éternité, laissons encore nos pensées mutines vagabonder.
Que de souvenirs… Que d’émotions… Rappelez-vous…
Un mois de juillet dominé par un astre solaire au meilleur de sa forme, forçant les climato-sceptiques à se dissimuler avec un bouquin bradé de Claude Allègre, en guise de consolation.
Un mois de juillet où le roi cacochyme des Belges, à moins que ce ne soit de la Belgique, a cédé son trône, soulagé, à un successeur jeune, dynamique et fertile, père hébété de quatre enfants, et époux d’une Mathilde que n’aurait pas désavoué le Grand Jacques. Puisque les v’la, le peuple a prié pour leur salut.
Un mois de juillet où un Anglais, né dans la patrie de Nelson Mandela –un Africain quoi–, a sainement conquis un maillot jaune (comme le soleil) sur les routes de l’Hexagone, consolidant ainsi une cordiale entente entre la couronne britannique et une monarchie présidentielle embastillée dans la normalité du béret et de la baguette, qui se veut forte de la tradition « bleu-blanc-rouge » des comiques troupier.
Un mois d’août tout aussi sportif, avec les championnats du monde d’athlétisme, à Moscou, en passe de redevenir la gâteuse, où la fraternité des compétiteurs était encouragée, pour autant qu’elle ne fût pas trop… fraternelle. Le soleil de l’or des médailles, certes oui ! L’arc-en-ciel de l’amour, certes non ! Vladimir –Poutine, pas Lénine, on respire !– ne souffre pas les équivoques en matière de sexualité.
Un mois d’août où un championnat de football, parrainé par une marque de bière délocalisée au Brésil (un présage ?), a vite repris ses droits. Les supporters n’en pouvaient plus et savaient pourquoi. Une semaine sans ballon, le supplice ne pouvait être que de courte durée. Ils sont saufs et ils ne remercieront jamais assez les mécènes désintéressés de la société du spectacle.
Sea, sex sun and sport.
Ah, les amis ! Ah, les camarades ! La rentrée sera assurément placée sous le signe de la mélancolie. Comme chaque année, somme toute…
Mais … What else ?
Rien d’autre que la routine. Fukushima qui se (radio-) active. Des massacres en Syrie, des attentats en Irak et des militaires en Egypte. Des colons israéliens toujours plus nombreux dans des territoires toujours plus occupés. La télévision grecque qui reste silencieuse et des peuples que l’on veut également faire taire, sous le joug de la finance. L’austérité partout, la justice sociale nulle part. Le capitalisme mondialisé et les écoutes globalisées de la NSA. La croissance ininterrompue de la pauvreté, des inégalités et du chômage : 611.000 demandeurs d’emploi officiellement recensés, rien que dans le royaume de l’Atomium. Et la planète en perdition, emportée par un tsunami productiviste sans frontières.
Mais trêve de digressions philosophiques, les trouble-fêtes ne parviendront pas à gâcher nos savoureuses réminiscences de cet inoubliable été de tous les bonheurs.
Et ce n’est pas fini !
Les sports d’hiver, les marchés de Noêl, les boules multicolores sur les sapins, les confettis dans les cheveux, un verre dans le nez et les douze coups de minuit annonçant une année nouvelle pleine de promesses, c’est pour bientôt !
Et puis, histoire de se mettre en jambes, nous aurons –tradition oblige– une grrraaande manifestation nationale de la FGTB et de la CSC, dans les rues de la capitale, la première quinzaine du mois de décembre. Avec des ballons rouges et verts. Et des sifflets de la même couleur. Et même des foulards et des casquettes pour nous tenir bien au chaud. Au son des pétards, tellement délicats pour nos oreilles gelées. Avec en fin de parcours un beau podium, de la musique entraînante et les gentils discours de Claude, Anne, Rudi et les autres, ces infatigables porte-parole du syndicalisme de combat (feutré).
Eh oui, les amis ! Eh oui, les camarades ! Le plaisir n’est pas tout dans la vie ! Il faut rester mobilisés !
—Alain Van Praet
collage: Thierry Tillier