Le 1er Mai arrive cette année dans une Russie plongée dans une situation de chute de la production industrielle, de coupes massives dans les dépenses sociales, de hausse des prix et des taxes et de déficit budgétaire croissant. Dans ce contexte sombre, le Kremlin se préoccupe d’aventures géopolitiques, de propagande et de lutte contre la dissidence politique.
Alors que les autorités russes affichent une touchante « inquiétude » pour les travailleurs de Crimée et du Donets, les travailleurs et les personnes défavorisées en Russie même font toujours plus intensément l’expérience des conséquences de la crise économique.
Selon les sondages d’opinion, 69 % des Russes s’inquiètent de l’inflation, 51 % de la pauvreté, 33 % de la montée du chômage, 32 % de la corruption, 29 % de la crise économique, 27 % des divisions aiguës entre riches et pauvres et 25 % de l’inadéquation des soins de santé.
La stagnation en cours dans les secteurs industriels en pleine transformation a déjà donné lieu à des réductions massives dans les effectifs et à la croissance du chômage partiel. De plus en plus de conflits sociaux sont provoqués par le non-paiement des salaires.
Dans de nombreuses villes, les scènes sombres des années 1990 sont en train de se répéter au fur et à mesure que s’arrête la reconstruction municipale. Dans le secteur public, le nombre d’actions de protestation des travailleurs augmente, après que la grève « à l’italienne » menée l’an dernier par le personnel des hôpitaux ait jeté les bases pour toute une série d’actions collectives menées en vue d’obtenir des augmentations de salaire.
Mais la classe dirigeante se préoccupe de questions « plus importantes » : construction de l’empire, propagande et lutte contre les dissidents.
Après avoir offert aux magnats des monopoles de la construction et aux bureaucrates corrompus les Jeux Olympiques les plus coûteux de l’Histoire, le gouvernement de Poutine est intervenu dans le conflit intérieur en Ukraine afin de sauver et d’accroître les biens des oligarques liés au Kremlin.
Exploitant habilement l’insatisfaction justifiée des habitants des régions du Sud-Est face au cours nationaliste poursuivi par les nouvelles autorités de Kiev, l’élite russe a été capable d’annexer la Crimée et defaciliter un embrasement de guerre civile dans le Donbass et les autres régions frontalières de la Russie.
En soumettant Kiev au chantage avec la menace d’une intervention militaire, le Kremlin tente de rétablir son contrôle économique et politique sur l’Ukraine, qu’il considère comme appartenant à sa sphère d’influence.
Il utilise démagogiquement la défense des habitants russophones de l’Ukraine pour défendre les biens et les revenus d’un petit cercle de millionnaires russophones.
Agiter des menaces militaires profite tant aux autorités russes qu’ukrainiennes. Les premières tentent de transformer la révolution ukrainienne en une guerre fratricide insensée afin de dissuader leurs propres citoyens de protester. Les autres espèrent détourner les critiques grandissantes contre le gouvernement dans des voies nationalistes. Et les deux contribuent objectivement à renforcer les positions des néo-nazis.
Le prétendu « antifascisme » du Kremlin est incapable de dissimuler le flirt de celui-ci avec l’idéologie fasciste, qui se manifeste dans ses financements en faveur de partis d’extrême-droite à l’étranger, son utilisation active des nationalistes russes en tant qu’agents en Ukraine, sa création de milices de cosaques, son encouragement à l’utilisation de déclarations xénophobes et antisémites dans les médias de masse semi-officiels, etc.
La stimulation d’une psychose patriotique de grande puissance en Russie, une nouvelle législation anti-extrémiste encore plus dure que la précédente, la poursuite de prétendus » traîtres à la nation » et la fermeture des médias d’opposition visent à écraser les troubles sociaux, à perpétuer le système existant de domination et à rendre les « ennemis extérieurs » responsables de la situation de plus en plus misérable dans le pays.
Malgré le fait que le retour à la Russie satisfait une partie significative de la population de Crimée et que le séparatisme pro-russe existe dans un certain nombre d’autres régions d’Ukraine, l’agression contre ce qui est une nation beaucoup plus faible qui vient à peine de renverser un régime corrompu n’est rien autre qu’un acte de pillage impérialiste.
Dans une perspective à moyen terme, l’inclusion de la Crimée et de toute autre partie du territoire ukrainien dans la structure d’un État russe autoritaire et oligarchique n’aura comme résultat que l’écrasement des libertés civiles et la poursuite de l’exploitation économique des travailleurs de ces territoires.
Dans cette situation, le devoir de toutes les forces de gauche et démocratiques dans notre pays est de s’opposer à tout ce qui pousse les peuples russe et ukrainien l’un contre l’autre dans le seul intérêt de différents groupes de capitalistes. La concurrence entre ceux-ci pour le contrôle des marchés et des ressources, dans le contexte d’une crise économique qui s’intensifie, menace de dégénérer en une guerre dont l’impérialisme russe ne peut pas sortir victorieux.
Tout en soutenant le droit à l’autodétermination pour tous les groupes ethniques ou linguistiques et en partageant l’inquiétude des habitants de la région du Sud-Est face au cours radicalement droitier du gouvernement de Turchinov, nous nous opposons en même temps à une intervention militaire du Kremlin dans la lutte politique en Ukraine.
Les travailleurs de Russie et d’Ukraine doivent se regrouper, non pas autour des gouvernements et des oligarques, qu’ils soient « nationaux » ou étrangers, mais autour des revendications de démocratie et d’égalité sociale et nationale.
Le Mouvement Socialiste russe appelle à soutenir les actions de protestation qui auront lieu le 1er mai, autour des slogans :
- Nous ne paierons pas pour les crises et les guerres !
- Non à la répression politique !
- Pour la liberté d’Information, de réunion et de grève !
- Réduisez le nombre de bureaucrates, pas de travailleurs !
- Gel des prix, et pas des salaires !
- Non aux guerres des oligarques, oui à la solidarité des peuples
Le Mouvement Socialiste russe est la section russe de la Quatrième Internationale
Source : http://www.workersliberty.org/story/2014/04/17/workers-russia-and-ukraine-rally-social-and-national-equality-0
Traduction française pour Avanti4.be : Jean Peltier