Injustifiable. On ne le répètera jamais assez, ce chiffre de 3% de déficit ne se justifie par aucune théorie économique. C’est un haut fonctionnaire, Guy Abeille qui, en une heure un soir de juin 1981, a tout simplement inventé ce chiffre, sur demande expresse de François Mitterrand, désireux d’avoir un chiffre rond et facile à retenir pour justifier les restrictions budgétaires en cours (1). Trois pourcents, 0,5%, et pourquoi pas 2 ou 4% ? Au lieu de fixer des objectifs chiffrés ne reposant sur rien, il s’agit d’affirmer la chose suivante : s’il est a priori souhaitable de financer le développement d’un pays via des ressources qui ne génèrent pas d’endettement, un État doit pouvoir s’endetter sous certaines conditions, en particulier en période de récession, où la dépense publique peut s’avérer cruciale pour relancer l’activité économique. Plus globalement, un déficit peut se justifier pour réaliser des investissements productifs, socialement utiles et écologiquement durables.
Antidémocratique. En inscrivant cette « règle d’or » dans leur Constitution nationale, les parlements nationaux décident d’abandonner une grande partie de leur souveraineté à des institutions européennes non élues. N’oublions pas qu’une des principales responsabilités des parlements est de voter le budget. Or, avec ce traité, les budgets nationaux seront déterminés et contrôlés par la Commission européenne et la Cour de justice européenne. Celles-ci pourront infliger de manière quasi automatique des sanctions allant jusqu’à 0,1% du PIB du pays (350 millions d’euros pour la Belgique).
Economiquement insensée. Enfin, et c’est sans doute cela qui est le plus incroyable, cette politique de rigueur budgétaire débouchera sur des résultats inverses à ceux escomptés. En effet, les réductions drastiques de dépenses publiques provoquent une contraction de l’activité économique, qui elle même provoque à la fois une baisse des rentrées fiscales et une augmentation du chômage et donc des dépenses sociales d’indemnisation. L’Etat ayant appliqué l’austérité pour diminuer son déficit budgétaire se retrouve au final avec un déficit en augmentation et un approfondissement de la récession. Tous les chiffres confirment cette analyse. La Grèce, qui a déjà appliqué neuf plans d’austérité depuis 2010, a vu sa dette doubler en trois ans tandis que son produit intérieur brut (PIB) connaîtra sa cinquième année consécutive de récession (-6,1% en 2011, -6,5% en 2012).
La Belgique peut ne pas ratifier ce traité !
Ce traité ne s’appliquera pas aux Etats qui refusent de le ratifier. La Belgique peut donc encore décider, de manière souveraine, et au nom de l’intérêt général de sa population, de ne pas se soumettre à cette logique mortifère. Si au contraire, la Belgique décide de le ratifier, ce texte ne s’appliquera pas uniquement à l’Etat fédéral mais bien à l’ensemble des pouvoirs publics et administrations locales (Régions, Communautés, Provinces, Communes, CPAS…). Les conséquences se feront donc sentir dans tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens.
Les dirigeants politiques affirment qu’il faut absolument voter ce traité car si on ne le vote pas, la Belgique ne pourra pas bénéficier de l’aide financière du MES (Mécanisme européen de Stabilité) si elle se retrouvait en difficulté. Cet argument ne tient pas la route quand on connaît la vraie nature du MES. Le MES, qui vient d’entrer en vigueur en octobre 2012 et s’apprête à remplacer définitivement le Fonds européen de Stabilité financière (FESF), n’est rien d’autre qu’une sorte de FMI européen. Cette institution va donc accepter de prêter de l’argent aux pays en difficulté mais à des conditions très strictes et très proches de celles qui ont déjà été imposées pendant deux décennies à plus de 100 pays du Sud, avec les résultats que l’on sait : explosion de la dette (2), de la pauvreté, des inégalités et de l’exclusion sociale.
Notes :
(1) Le Parisien, 28 septembre 2012.
(2) La dette publique des PED a quadruplé, passant de 350 milliards de dollars en 1980 à 1 580 milliards de dollars en 2010.