C’est donc fait : le hold up politique a bel et bien eu lieu avec la complicité assumée ou honteuse de l’ensemble des partis politiques traditionnels, écolo compris. Après la Chambre et le Sénat, les parlements régionaux bruxellois et wallon et le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont adopté le Traité budgétaire Européen (TSCG). Sans surprise, les votes se sont succédés ces dernières 48 heures dans le pire scénario démocratique que l’on puisse mettre en scène. Votes à la hussarde, débats escamotés, information confisquée : au parlement bruxellois tous les partis s’indignaient hier de la précipitation avec laquelle le scrutin était organisé (il ne laissait même pas le temps d’une lecture du traité)…mais c’étaient les mêmes qui avaient contribué à l’élaboration de ce calendrier. Faut-il rappeler qu’à la Chambre, en juin dernier, la demande d’audition en commission des organisations syndicales avait été purement et simplement rejetée.
Ces votes qui constituent le pire déni de la démocratie que le pays ait connu depuis des décennies ont été l’occasion d’une hypocrisie collective qui met un peu plus à mal la perception de la politique par les citoyens. L’adoption du traité marque un abandon de souveraineté inédit d’une ampleur jamais connue : désormais, quelle que soit la majorité sortie des urnes, la politique d’austérité – la « règle d’or » de la réduction du déficit budgétaire- lui sera imposée sans recours possible. Et cela, au moment même où les voix se multiplient, y compris dans les organisations internationales et chez des économistes libéraux- pour remettre en cause cette politique d’austérité à tout crin qui condamne nos économies à la récession et creuse encore un peu plus les inégalités. Que la droite libérale se réjouisse d’un texte qui instaure l’austérité à perpétuité est dans l’ordre des choses, que le centre mou du CDH suive n’est pas moins étonnant. Mais que le PS qui tient en vue des élections, du moins dans le chef de son président, un discours « à gauche toute » (qui contredit par ailleurs la politique menée par le premier ministre socialiste) ait voté le texte comme un seul homme [1] est à la fois significatif et lourd de conséquences. Hier, au parlement wallon la porte-parole socialiste, la députée Isabelle Simonis éprouvait quelque difficulté à justifier l’attitude de son parti. « Ce Traité ne représente pas l’Europe que nous souhaitons (…) mais nous restons des démocrates et respectons les institutions européennes » [2], a-t-elle déclaré. Traditionnel discours du « sans nous ce serait pire »… mais dont les accents traduisent cette fois autant d’embarras que d’hypocrisie.
Dans ce registre, les Ecolos n’ont rien à envier à leurs camarades socialistes. Tout d’abord, les verts se sont distingués par un vote contradictoire au fédéral (« non » au traité puisque dans l’opposition) et au régional (« oui » au traité puisque dans la majorité). L’argumentation du vote positif est aussi pathétique que les contorsions socialistes : le chef de groupe écolo a justifié son vote positif par la série de « balises » que l’Olivier a, selon lui, réussi à intégrer dans les modalités de transposition et d’application du Traité budgétaire en Belgique et ses entités. [3] Mais les dites balises n’auront aucune existence réelle face aux obligations contenues dans la traité. Elles sont purement formelles et sans conséquence politique. Alors qu’une large partie de la base Ecolo et même une part importante de ses élus exprimaient – discrètement – une hostilité non dissimulée au Traité, la volonté de préserver la place du parti dans les majorités régionales l’a emporté sur tout le reste. Le coût électoral risque d’être lourd. Le PS – et ses militants- ont eux, une plus vieille expérience des discours qui contrebalancent et contredisent les pratiques notamment gouvernementales. Il y avait décidément beaucoup de monde au bal des hypocrites de ce mois de décembre 2013.
[1] Hier, au parlement bruxellois, du côté socialiste, seule une femme, Sfia Bouarfa a voté contre. Du côté Ecolo Céline Delforge et Jean Claude Defossè au parlement bruxellois et Veronica Cremasco au parlement wallon ont été les seuls à voter contre
[2] On voit mal en quoi un vote négatif aurait été un manque de respect aux institutions européennes…
[3] Ces « balises, stipulent notamment que les contraintes budgétaires posées par le TSCG devront en Wallonie faire l’objet d’une évaluation préalable, tenir compte du bon fonctionnement des services d’intérêt général, et préserver les « objectifs sociaux et environnementaux » poursuivis par la Région.
Source : LE BLOG-NOTES D’HUGUES LE PAIGE