Mardi 13 mai 2014, « l’accident » de travail qui a eu lieu à Soma marque non seulement une date importante pour l’histoire du pays mais également pour l’histoire de la classe ouvrière dans le monde entier.
Non, ce n’est pas une histoire miraculeuse : certains blessés ont pu sortir de la mine… mais selon les chiffres officiels, le nombre des morts atteint 301. D’après les informations concernant le fonctionnement de la mine, on sait qu’il devait y avoir au moins 700 mineurs en sous-sol, donc le nombre de morts est certainement plus élevé que celui qui est affiché, mais les représentants de l’État insistent pour que l’on n’en parle pas.
Quoi qu’il en soit, ce nombre de morts met la Turquie dans les premiers rangs mondiaux du nombre d’accidents de travail. Depuis 2002, sous le gouvernement d’AKP, il y a eu plus de 8 000 morts…
Un « accident » ?
Il faut s’arrêter sur les termes utilisés – « accident » – car, comme on l’a vu à Soma, il ne s’agit pas d’accident mais de la conséquence tragique de toute une série de négligences délibérées. Plus de trois cents personnes sont mortes car les sous-traitants, la firme, l’établissement étatique qui délègue le travail au secteur privé, ses contrôleurs, ont choisi de ne pas prendre les mesures nécessaires pour un environnement plus sécurisé en sous-sol.
Contrairement au discours qui circule depuis le 13 mai, ce qui s’est passé à Soma n’est ni un accident, ni une catastrophe (naturelle), ni le destin : il s’agit d’un meurtre dont les responsables sont nombreux. De façon plus globale, les morts dans des accidents de travail – entre 800 et 1 400 chaque année depuis 2002 – ne sont pas des victimes du destin.
Le gouvernement réprime
La réaction populaire a été importante. Après s’être rendu compte de l’ampleur du drame, il y a eu plusieurs appels à manifester. Le gouvernement a été cohérent avec lui-même dans sa façon de réagir, comme ce fut le cas le 1er Mai 2014 et auparavant pendant la Résistance de juin 2013 (Gezi) où ont eu lieu de nombreuses violences policières. L’un des premiers actes de ce gouvernement a donc été d’envoyer des forces policières et armées à Soma.
Désormais, dans cette ville, on a fait l’expérience du gaz lacrymogène, on a vu un conseiller du Premier ministre donner violemment des coups de pied à un manifestant, on a entendu des déclarations indiquant que ceux qui conspuent le Premier ministre ne sont pas des résidents de Soma mais des provocateurs… et les avocats bénévoles ont été mis en garde à vue !
Un point de départ ?
Soma s’inscrit dans une lutte de classes qui s’approfondit depuis la Résistance de juin. Pourtant, il ne faut pas se faire d’illusions, car même s’il y a volonté de se battre, elle n’a toujours pas pu trouver jusqu’ici ni une stratégie commune ni des tactiques partagées par une majorité.
Suite à Soma, les syndicats ont fait un appel pour une journée de « non-travail » mais ils n’ont pas pu (ou voulu) prendre la décision de grève générale. La proposition syndicale ? « Étendre les manifestations du 14 mai », faire trois minutes de silence sur les lieux de travail, et s’habiller ou porter quelque chose en noir… Même s’il y a eu d’autres paroles et des propositions plus concrètes de la part de certains représentants syndicaux, il manque la volonté de mener un combat continu. Et ce n’est pas seulement le devoir des syndicats mais de toutes les composantes de la gauche se réclamant du socialisme.
Nous restons vigilantEs, et nous espérons que Soma devienne le point de départ pour les projets d’unité de la gauche, une référence commune autour de laquelle le mouvement kurde et les autres mouvements parties prenantes de la lutte ouvrière, puissent combattre en rassemblant leurs forces.
D’Istanbul, Idil Engindeniz Sahan
Source : NPA