Événement de portée historique, des représentants du gouvernement turc et du Parti démocratique des peuples (HDP, parti lié au mouvement kurde) ont annoncé le 28 février l’ouverture d’une nouvelle étape dans le processus de négociation.
Lors de cette déclaration commune ont été présentés les dix points, rédigés par Abdullah Öcalan, le leader du PKK, depuis son île-prison d’Imrali, autour desquels devront se poursuivre les pourparlers.
À première vue, ces dix mesures semblent pour le moins abstraites et d’ordre général : définition de la politique démocratique ; définition des dimensions nationales, locales et socio-économiques d’une solution démocratique ; garanties d’une citoyenneté libre ; protection de l’ordre public et des libertés lors du déroulement des négociations ; résolution juridique des questions concernant les femmes, la culture et l’écologie ; développement d’une conception démocratique et pluraliste des concepts d’identité, de République démocratique, de patrie commune et de nation ; élaboration d’une nouvelle Constitution en vue d’intégrer ces changements démocratiques… Toutefois ces mesures générales correspondent à des revendications concrètes : la libération des détenus malades, le renforcement des pouvoirs des administrations régionales et locales, l’enseignement en langue maternelle, la reconnaissance au niveau constitutionnel de l’identité kurde, l’amélioration des conditions de détention d’Öcalan…
Plus que ces dix points, c’est bien l’appel d’Öcalan au PKK à réunir un congrès extraordinaire au printemps pour débattre des conditions d’un dépôt des armes qui a suscité le plus de débat. Ainsi, selon le gouvernement, c’est d’abord au PKK de lâcher les armes, alors que pour le HDP et le PKK, le message d’Öcalan était conditionnel, demandant des avancées juridiques du régime avant un débat sur une probable démilitarisation. De plus, la direction du PKK, qui communique avec Öcalan par l’intermédiaire des émissaires du HDP, exige de pouvoir contacter directement le leader. En outre, la question d’un dépôt total des armes semble d’autant plus invraisemblable du fait du récent rôle de l’organisation kurde en Syrie et en Irak pour repousser les attaques de Daesh.
L’autoritarisme ou la démocratie
L’autre question épineuse est le projet de loi sécuritaire renforçant les pouvoirs de la police que l’AKP au pouvoir entend faire passer coûte que coûte, malgré l’opposition (parfois musclée) du HDP et du parti républicain (CHP) au Parlement et une contestation massive dans les rues. Il est évident que ce projet ne convient nullement à la nouvelle phase de négociations. Si les représentants du HDP affirment que des points importants de ce projet vont être renégociés sinon retirés, le président Erdogan ne semble pas être de cet avis…
Tout ceci se déroule à trois mois d’élections législatives cruciales pour la mise en place d’un régime encore plus autoritaire (un « système de présidence à la mexicaine » prôné par Erdogan). En effet, si le HDP, qui prévoit d’y participer en tant que parti, réussit à dépasser le seuil des 10 %, l’AKP n’obtiendra pas le nombre suffisant de parlementaires pour changer la Constitution ou même pour soumettre ses amendements à un référendum. Mais dans le cas où le parti kurde reste en dessous de ce seuil, il ne sera tout simplement pas représenté, et l’AKP détiendra une majorité renforcée.
Pour stopper la machine infernale de l’AKP et contribuer à une résolution démocratique de la question kurde, les socialistes révolutionnaires ont devant eux le devoir internationaliste de forger une solidarité active avec le peuple kurde et son parti, le HDP.
D’Istanbul, Uraz Aydin
Source : NPA