Un an avant la COP21… en route vers les + 6°C ?
Dans un peu plus d’un an, début décembre 2015, s’ouvrira au Bourget, près de Paris, la COP21, la 21eConférence des parties signataires de la convention cadre des Nations unies sur le changement climatique. Issue du sommet de la Terre de Rio en 1992 et entrée en vigueur en 1994, la convention tirait la sonnette d’alarme et appelait à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), responsables du dérèglement climatique.
Mais depuis 20 ans, les mécanismes capitalistes censés lutter contre le réchauffement climatique (primes, quotas, droits d’émission échangeables, taxes et autres « internalisations des externalités ») servent de prétexte à une gigantesque vague d’appropriation des ressources et n’ont fait qu’aggraver les risques environnementaux tout en approfondissant l’injustice sociale. Loin de se réduire, les émissions de GES augmentent de plus en plus vite ! À ce rythme, elles mettent le monde sur la voie d’un réchauffement de 6°C d’ici 2100, alors que la limite à ne pas dépasser sous peine de graves conséquences (montée des eaux, famines, épidémies, disparition massive d’espèces…) est de 2°C.
D’ores et déjà la multiplication des phénomènes extrêmes frappe en particulier les populations les plus pauvres et les plus vulnérables faisant plusieurs dizaines de millions de réfugiéEs climatiques chaque année. Alors à quoi peut bien servir une conférence de plus ? Officiellement 2015 est l’année butoir fixée pour signer un nouveau protocole international, destiné à succéder aux accords de Kyoto. Mais on ne peut entretenir aucune illusion sur ce qui peut en sortir.
Comme pour les précédentes, ce que l’on peut attendre de mieux de ce rendez-vous, ce sont les mobilisations hors de cette enceinte feutrée. L’enjeu international se double de l’enjeu national. La mobilisation devra aussi s’opposer au gouvernement qui veut en faire une vitrine, verdir son image, alors que sa loi de transition énergétique est à la fois inefficace et nucléaire-compatible, comme en témoigne le « Salon mondial du nucléaire », véritable foire internationale du nucléaire, qui vient de se tenir sur le lieu même où se déroulera la COP21… Histoire de marquer le territoire !
Qui sont les réfugié.e.s climatiques ?
Le terme de « réfugiés climatiques » désigne les personnes obligées de quitter leur pays d’origine en raison de catastrophes liées au dérèglement climatique et à la gestion absurde des pratiques d’aménagement des rives et des sols : des inondations à répétition comme au Bangladesh, aux Tuamotu, aux Maldives, des cyclones, des tsunamis, phénomènes brutaux et très visibles, faisant des millions de sinistréEs.
D’autres destructions sont plus graduelles mais tout aussi graves : sécheresse, désertification, déforestation, salinisation ou érosion des sols… Les habitantEs ne peuvent alors plus vivre dans un environnement détruit. Il s’agit souvent, pour le moment, de régions éloignées de nous : Asie, Afrique, Pacifique, Alaska… mais à plus long terme, des villes comme Venise, Londres ou New York seront menacées par la montée des eaux. Nous aurions tort, dans nos régions, de nous croire à l’abri : des régions entières seront rayées de la carte. Là non plus, l’égalité n’est pas de mises. Les plus démuniEs, les exploitéEs, les pauvres, seront les premiers et les plus touchés. Souvenons-nous de l’ouragan Katrina à la Nouvelle Orléans !
Des millions chaque année
Le Conseil norvégien pour les réfugiés a comptabilisé 22 millions de nouveaux réfugiéEs climatiques pour 2013. D’après les chiffres de l’ONU, ils seront 250 millions dans le monde d’ici à 2050, d’autres donnent des chiffres encore plus pessimistes.
Sans-droits… L’appellation « réfugiés climatiques »ne correspond à aucun statut juridique et ne leur donne aucun droit à indemnisation, reconstruction, relogement ou accueil. Ils rencontrent des résistances là où ils essaient de s’installer ou de se mettre à l’abri. De nouveaux conflits territoriaux, douloureux pour tous, se dessinent. Et déjà l’extrême droite instrumentalise l’inquiétude suscitée par ces nouveaux migrantEs.
On ne peut plus attendre ! Pour éviter les catastrophes qui chassent les populations de chez elles, l’urgence est de réduire les émissions de gaz à effets de serre, d’imposer une autre logique de production et de consommation. Il ne s’agit pas d’attendre que les producteurs de ces gaz veuillent bien l’accepter, il ne s’agit pas d’y penser vaguement : c’est urgent, c’est maintenant, c’est ici. Il y va de notre vie à touTEs, elle vaut plus que leurs profits.
Géo-ingénierie : les apprentis sorciers s’invitent à la table du dérèglement climatique
Le cinquième rapport du GIEC confirme les prévisions les plus pessimistes sur le réchauffement de la planète, les variations climatiques extrêmes (sécheresses, inondations, ouragans) et la hausse du niveau des océans. Il ouvre la porte à la géo-ingénierie (1) qui vise à prendre le contrôle du système climatique.
Le plan A de réduction des émissions de gaz à effet de serre échouant lors des conférences sur le climat, il faut un plan B : la géo-ingénierie. Celle-ci est divisée en deux grandes catégories : les techniques de capture du carbone pour extraire l’excès de CO2 de l’atmosphère et le stocker (ensemencer l’océan en fer, accélérer l’érosion des roches, intervenir sur les processus biologiques…) et les techniques de gestion du rayonnement solaire pour réduire la quantité de lumière du Soleil parvenant à la terre (éclaircir les nuages, pulvériser du soufre dans la stratosphère, créer un filtre solaire autour de la terre).
Les projets les plus délirants sont à l’étude et certains pourraient être testés pour le plus grand bonheur des grandes puissances, des grands industriels ou des militaires.
Qui décide ?
On ne maîtrise pas les conséquences globales et on ne demande pas l’avis des citoyenEs. Il est temps que soient dévoilées les illusions et dangers de ce plan B de sauvetage du climat et que les citoyenEs s’emparent de la lutte contre le changement climatique.
Et si demain se mettait en place un thermostat dans le système climatique mondial, qui le gérerait ? Qui aurait la main dessus ? Le président des États-Unis ? Le Comité central du Parti communiste chinois ? Vladimir Poutine ? N’irait-on pas vers une possible « guerre du climat », une « guerre chaude » ?
Note : 1 – Voir le livre de Clive Hamilton, Les apprentis sorciers du climat. Raisons et déraisons de la géo-ingénierie, Éditions du Seuil, collection Anthropocène, 2013, 19,50 euros.
L’agriculture intelligente face au climat
Pour ceux qui en doutaient encore, les choses sont maintenant claires : les États et les organismes internationaux ont officiellement renoncé à limiter le réchauffement climatique. Le maître-mot est maintenant « adaptation » à des bouleversements de plus en plus inévitables. Une des politiques mises en œuvre dans cette optique d’adaptation est « l’agriculture intelligente face au climat – AIFC » (« climate-smart agriculture »).
« Elle a pour objet de renforcer la capacité des systèmes agricoles, de contribuer à la sécurité alimentaire, en intégrant le besoin d’adaptation et le potentiel d’atténuation dans les stratégies de développement de l’agriculture durable » (1).
Les premiers touchés par le réchauffement climatique seront évidemment les plus pauvres, et en particulier les petits paysans : sécheresse, salinisation des sols, destruction des cultures par des événements climatiques extrêmes, etc. 2014 étant l’année de l’agriculture familiale, on aurait pu s’attendre à ce que l’agriculture intelligente soit mise au service des petits paysans.
Il n’en est rien. Il s’agit en fait de continuer les mêmes politiques qui ont déjà détruit une partie de l’agriculture paysanne, en particulier dans les pays du Sud, dont beaucoup ont perdu leur autonomie alimentaire. L’AIFC apparaît comme la suite de la Révolution verte. La Banque mondiale, dont les décisions passées ont largement contribué à la détérioration de la biosphère, ne faillit pas à sa réputation. Ses propositions vont dans le sens d’une agriculture toujours plus technologique et de la dépendance des paysans. On voit ainsi resurgir les Plantes génétiquement modifiées (PGM) pour lutter contre la sécheresse, PGM que les paysans doivent racheter tous les ans. Mais surtout, les propositions vont dans le sens de toujours plus de libéralisation et de privatisation.
Contre l’agrobusiness
L’agriculture industrielle n’est absolument pas remise en cause, alors qu’elle est la principale contributrice agricole aux gaz à effet de serre. Au contraire, les solutions proposées vont dans le sens d’un agrandissement des exploitations. La financiarisation du secteur serait accélérée, d’autant que le marché carbone serait étendu aux terres agricoles. De juteux profits en perspective dans la lignée des forêts – puits de carbone qui ont permis aux multinationales de s’enrichir tout en continuant à polluer. La Banque mondiale n’hésite pas à citer le Brésil et la Chine comme des exemples à suivre : exemplaire pour avoir augmenté l’intérêt du secteur privé ou pour avoir privatisé les terres !
Loin de favoriser l’agriculture paysanne, l’AIFC se focalise sur les cultures commerciales dans un marché mondialisé. Comme le dit le mouvement international de petits paysans La Via Campesina, « nous devons lutter pour la souveraineté alimentaire et des modes de production à même de fournir un revenu juste pour les paysanEs et leurs communautés, de produire une nourriture saine répondant aux besoins nutritionnels des populations et de garantir l’accès alimentaire en quantité suffisante à tous. Toute pratique de production et de consommation, pour être vraiment durable, doit enrichir et protéger la Terre-Mère » (2). Pas les capitalistes !
Notes
1 – FAO, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture :http://www.fao.org/climatechange/ep…
2 – http://viacampesina.org/fr/index.ph…
cet article reprend des extraits d’un dossier réalisé par nos camarades du NPA
* Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste – 262 (30/10/2014). http://www.npa2009.org/