Des travailleurs de plusieurs sites européens de Caterpillar, dont quelque 250 salariés de l’usine menacée de Gosselies, en Belgique, protesteront vendredi à Genève contre les pratiques de la transnationale. « On annonce la présence de la délégation italienne (2 sites), Allemagne (2 sites), France (2 sites), Irlande, Angleterre, Espagne et Grimbergen. Il s’agira donc bien d’une manifestation internationale ». Nous publions ci-dessous le texte de l’interview d’Ivan Del Percio, délégué principal FGTB de Caterpillar Gosselies, dans le quotidien suisse Le Courrier de Genève. Nous ajoutons pour information le texte du tract commun que SolidaritéS (Suisse), le NPA (France) et la LCR (Belgique) ont sorti pour saluer l’initiative exemplaire que constitue la manifestation internationale des CAT à Genève, siège de Caterpillar Overseas (la structure qui achète et vend fictivement aux usines de production de la multinationale, et siphonne leurs bénéfices pour les soustraire à l’impôt). Après la manifestation, Ivan Del Percio, accompagné de deux responsables syndicaux belges, participera à un meeting aux côtés de notre camarade Jean Batou, député de Solidarités au Grand Conseil du canton de Genève et d’Alessandro Pelizzari, secrétaire syndical UNIA à Genève. LCR-web.
Depuis l’annonce de la fermeture du site belge de Caterpillar début septembre, les travailleurs se trouvent toujours dans la première phase de la procédure dite «Renault» afin de trouver une alternative à la fermeture et/ou de re-classer les travailleurs. La seconde phase consistant en la négociation du plan social et des conditions de départ (2200 emplois directs concernés).
Parallèlement à cela, ils mènent un combat plus politique au niveau européen, contre l’optimisation fiscale et la stratégie financière de Caterpillar en Europe. Pour la mobilisation de ce vendredi à Genève, ils sont soutenus par la fédération syndicale internationale IndustriAll (rassemblant notamment les affiliés des secteurs de la métallurgie, de l’énergie et de la manufacture) ainsi que par Unia.
Les travailleurs de l’usine belge dénoncent également le fait que Caterpillar SARL, filiale suisse du groupe et donneur d’ordre de Caterpillar Belgium, ait annoncé début octobre la possibilité d’une mise en demeure formelle et d’une suspension des commandes si le site de Gosselies ne revenait pas rapidement «à un niveau acceptable de production (70%)». A travers un courrier, la filiale suisse se plaint d’un «niveau de production insuffisant» depuis l’annonce de la fermeture du site. Elle demande également de «reprendre l’expédition des machines au rythme de la production», annonçant notamment qu’elle coupera du plan de production les machines non produites les deux premières semaines de septembre. A la suite de cet avertissement, le volume des expéditions de machines a progressivement augmenté.
A la veille du départ d’une importante délégation vers Genève, on parle de quelque 250 salariés, Le Courrier a rencontré Ivan Del Percio, président de la délégation syndicale FGTB (Fédération générale du travail de Belgique) et travailleur de Caterpillar.
A quelle étape de la procédure vous trouvez-vous et quel est l’état d’esprit des travailleurs?
Ivan Del Percio: On est toujours dans la phase 1 de la loi Renault qui est dite de consultation et d’information. Nous avons eu cinq réunions avec les Américains qui nous ont expliqué le contenu de leur étude financière qui a amené l’intention de fermer Gosselies. On a entendu beaucoup de choses difficiles à digérer, dans le sens où c’est une manœuvre purement financière, il n’y a rien d’économique ni d’industriel dans tout ça. C’est la folie des actionnaires avec un retour de dividendes démesuré par rapport à la réalité économique et à la crise mondiale qu’on connaît.
En ce qui concerne les gens, ils sont dans l’incertitude, donc ce n’est évident à gérer en tant qu’organisation syndicale. Une partie s’est malheureusement précipitée vers la négociation sociale. Mais nous, avec la majorité des travailleurs, on n’est pas dans ce cadre-là, on veut d’abord comprendre, afin de proposer des alternatives et d’essayer de mettre à mal le choix de la direction. On veut voir aussi s’il y a des alternatives possibles, autres que Caterpillar. Le site est bien placé, certes il est grand mais il peut fonctionner par bâtiment, il est assez moderne et nous sommes de jeunes travailleurs. On n’est pas dans la résignation, on veut défendre nos emplois.
Pourquoi cette manifestation à Genève? Quel en est l’objectif?
Nous avons un objectif d’une ou deux actions par mois, voire plus si possible. Dans ce cas-ci, il s’agit d’une action européenne pour dénoncer l’attitude agressive du groupe sur l’espace européen. Ils sont en train de fermer deux sites, Gosselies et un autre en Irlande. Ils ont fait des plans de licenciements dans d’autres sites européens, en plus de ce qu’on avait déjà subi ces dernières années…
Ils protègent leurs dividendes au détriment de nos emplois. On veut dénoncer aussi le fait que, dans leur stratégie ils veulent réduire les coûts, mais dans les coûts ils ne prennent pas en considération le bénéfice planqué à Genève. On veut donc dénoncer l’optimisation fiscale de la filiale suisse.
Et en plus on se rend compte maintenant qu’ils nous mettent la pression, on a reçu un avertissement de mise en demeure de la filiale suisse. Ils sont prêts à nous couper la production. Donc ça aussi on veut le dénoncer.
Y a-t-il une prise de conscience aussi des autres sites européens qui ne sont pas concernés par ce plan?
Tout à fait. C’est une action européenne, avec le soutien du Comité d’entreprise (CE) européen et avec la présence d’une dizaine de travailleurs par pays qui seront représentés: l’Italie, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique. C’est aussi pour dire: il est temps de respecter les représentants qui participent au CE européen, qui avaient demandé toute une série d’informations au mois de juin, qu’on n’a pas obtenues. Et puis en septembre on nous licencie. Donc, même dans le cadre de la concertation sociale européenne, il y a des choses qui ne fonctionnent pas et qu’on veut aussi dénoncer.
Notre difficulté, en tant que syndicalistes, vient de la loi Renault, qui canalise le rapport de force. Mais on essaie de travailler sur plusieurs pistes, notamment aussi l’action européenne parce qu’on veut montrer que c’est par là que doit passer la lutte des travailleurs. Ce n’est pas un seul pays, ne tombons pas dans le piège de la concurrence des uns contre les autres. Le fait qu’il y ait une présence de travailleurs de Grenoble (site vers lequel serait transférée la production de Gosselies, ndlr), montre aussi que syndicalement on essaie de donner le ton, et que la solidarité fait qu’on peut s’en sortir et pas chacun de son côté.
Source : Le Courrier
Manif, action et meeting
La mobilisation des Caterpillar, vendredi à Genève, se fera en trois temps. Première étape, la place des Nations hébergera la manifestation proprement dite et les prises de parole, dès 11h. La délégation traversera ensuite le Rhône pour s’en aller mener une action symbolique devant le siège genevois de la transnationale étasunienne (route de Frontenex 76).
Retour ensuite sur la rive droite, pour un meeting organisé par Solidarités à l’Université ouvrière (UOG, place des Grottes 3), portant notamment sur le dumping fiscal international dans un contexte de recul des droits des travailleurs. Prendront la parole dès 18h30: le syndicaliste belge et employé de Caterpillar Ivan del Percio, Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia-Genève, et Jean Batou, député d’Ensemble à gauche au Grand Conseil. BPZ