Le droit à l’avortement est menacé partout. En Belgique, outre le rassemblement du 29 janvier (https://www.facebook.com/events/693050114059222/?ref=3&ref_newsfeed_story_type=regular) en solidarité avec les femmes espagnoles contre le projet de loi déposé par le Parti Populaire le 20 décembre dernier, une manifestation aura lieu le dimanche 30 mars (https://www.facebook.com/#!/groups/prochoice.belgium/) contre la mobilisation des anti-avortement prévue le même jour. Deux dates à retenir pour résister dans les rues à l’offensive réactionnaire de ceux qui veulent contrôler le corps des femmes et leur capacité de reproduction, réinstaurer les rôles traditionnels dans lesquels la femme doit être soumise, et imposer un modèle de sexualité lié à la reproduction, réduisant du même coup la sexualité au seul modèle hétérosexuel. Il nous appartient d’affirmer notre diversité et notre liberté, de défendre nos droits sexuels et reproductifs, le droit à la contraception, à l’avortement, à la maternité choisie, le droit à la vie!
Espagne, 2014. Tu veux avorter. Si la loi proposée aujourd’hui par le Parti Populaire est votée, tu ne pourras peut-être pas: les conditions légales seront encore plus sévères que celles qu’a connues ta mère en 1985 ! Pour pouvoir interrompre ta grossesse, il faudra que tu aie été violée, plainte à l’appui, ou bien que tu puisse prouver des conséquences graves sur ta santé. Bien sûr, tu pourras toujours avorter de façon clandestine, mais à tes risques et périls… 47.000 femmes meurent chaque année dans le monde en tentant d’interrompre clandestinement leur grossesse.
Suisse, 2014. Tu veux avorter. Si la loi proposée aujourd’hui par un groupe de parlementaires et 100.000 signataires est votée, tu ne pourras peut-être pas: on ne te remboursera plus, le remboursement de l’avortement étant considéré comme une affaire privée ! Bien sûr, tu pourras toujours avorter, mais à condition de payer le prix fort et d’en avoir les moyens… Un avortement coûte entre 500 et 2.500 euros en Suisse.
Belgique, 2014. Tu veux avorter. Pour le moment, tu peux mais ce n’est pas si facile. Tu dois te décider dans les 12 premières semaines de grossesses et au bout de 6 jours de réflexion. Mais, surtout, tu dois trouver un médecin qui reconnaisse ton « état de détresse » et qui accepte de procéder à l’IVG dans les délais. Aujourd’hui, de moins en moins de médecins répondent à la demande, faute de formation adéquate ou par conviction personnelle. Pourtant, la demande d’IVG augmente au fur et à mesure que la prévention et l’accès libre à la contraception diminuent. En Belgique, 45% des femmes qui demandent une IVG n’ont pas utilisé de contraceptif.
Le droit à l’avortement menacé partout
En Espagne et en Suisse, les menaces sont là. Ailleurs, elles ont déjà abouti. Parmi les derniers reculs en date au cours de l’année 2013 en Europe, épinglons entre autres la Biélorussie où, depuis janvier, les médecins ont le droit de refuser de pratiquer un avortement; la Hongrie, où la seule clinique offrant l’avortement médicamenteux a fermé en janvier sous la pression politique; la Macédoine, où le droit à l’IVG a été restreint en en juin ou encore le Parlement européen, qui a rejeté le 10 décembre un texte réclamant un accès généralisé à la contraception et à des services d’avortement sûrs. Dans les autres pays, comme en Belgique, ce genre de reculs est toujours possible. Le ministre espagnol de la justice, Alberto Ruiz-Gallardon, auteur du projet de loi, a d’ailleurs déclaré être « convaincu que cette initiative aura des prolongements dans les Parlements d’autres pays européens ».
Soutenu par l’Eglise et les secteurs les plus réactionnaires, le mouvement prétendument « pro-vie » compte bien lui donner raison et poursuit ses mobilisations. Comment appeler « pro-vie » un mouvement d’intégristes, homophobes et réactionnaires qui s’oppose à la diversité des pratiques et des plaisirs en voulant imposer un seul modèle de sexualité, hétérosexuel, austère et à unique fin reproductive? Comment peut-on appeler « pro-vie » un mouvement qui met les femmes en danger et leur enlève la liberté de choisir leur avenir?
Les restrictions au droit à l’avortement ne défendent pas la vie. Elles ne font qu’obliger les femmes fermement décidées à avorter à le faire dans la clandestinité, en payant le prix fort, tant pour leur portefeuille que pour leur santé. Elles ne font que contraindre les autres, confrontée à une grossesse non désirée, à assumer une maternité forcée.
C’est gonflé de la part de Gallardon de prétendre défendre le droit à la vie et le droit des femmes à devenir mères alors que, en même temps, son propre gouvernement restreint la reproduction assistée pour les femmes célibataires et lesbiennes, facilite le licenciement des femmes enceintes, réduit les budgets de la santé public ou de l’enseignement, empêche femmes, hommes et enfants de vivre dans des conditions dignes!
Si les gouvernements d’austérité sont facilement enclins à suivre docilement les anti-avortement, c’est aussi pour mieux saisir l’occasion de réduire encore les budgets de la sécurité sociale ou des services publics. C’est en effet un cercle vicieux: les restrictions au droit à l’avortement incitant les femmes à revenir à la place qui leur a toujours été réservée, au foyer avec leurs enfants, celles-ci sont de nouveau à disposition pour prendre gratuitement en charge les services que l’Etat se refuse de financer correctement, comme les crèches, les maisons de repos, les soins médicaux.
Le mouvement féministe riposte
En Espagne, dès le 20 décembre, le jour de l’annonce du projet de loi pour restreindre le droit à l’avortement, des femmes en colère ont manifesté à travers tout le pays. A Madrid, la police a chargé; il y a eu des arrestations et plusieurs blessé-e-s. Mais, depuis, la mobilisation continue, avec diverses actions comme l’interruption d’une messe de minuit en Catalogne ou des occupations d’hôpitaux au Pays basque, des rassemblements, des réunions d’information… Des mairies ont voté des motions d’opposition à la réforme et, même au sein du PP, des critiques se font entendre. Dans les prochains jours, les actions vont se poursuivre. Les groupes liés au PSOE (parti socialiste) organisent un « train de la liberté » vers Madrid le 1er février qui rencontre un bon écho. Dans les secteurs les plus radicaux du mouvement féministe, une semaine d’actions internationales est prévue du 8 au 14 février et il est possible qu’une marche sur Madrid soit organisée plus tard (infos à suivre en espagnol sur https://www.facebook.com/coordinadora.feminista?fref=ts). A l’étranger, la solidarité avec les femmes espagnoles s’organise. Des rassemblements ont eu lieu ou sont prévus devant les ambassades espagnoles, comme le 11 janvier à Edimbourg et Londres, le 29 janvier à Bruxelles ou le 1er février à Paris.
Les femmes doivent avoir le droit de choisir pour elles-mêmes de ce qu’elles font de leur corps. Peu importe les raisons. Comme le résument bien les slogans: « c’est nous qui accouchons, c’est nous qui décidons! », « un enfant si je veux, quand je veux, avec qui je veux! ». Elles doivent avoir la possibilité d’exercer ce droit sans risques et sans contraintes. Qu’elles choisissent de ne pas avoir d’enfant, elles doivent avoir accès, librement et gratuitement, à la contraception. Qu’elles choisissent d’avoir un enfant, elles doivent avoir les moyens de lui offrir une vie digne. Qu’elles choisissent d’avorter, elles doivent avoir les moyens de le faire gratuitement et en toute sécurité. Lutter pour le droit à l’avortement implique donc aussi de refuser les mesures d’austérité qui s’accumulent puisque les coupes budgétaires augmentent la pauvreté et ont un impact sur l’accès à l’avortement, à la prévention et à la contraception.
De Bruxelles à Madrid, pour les femmes du monde entier , nous devons nous unir contre le patriarcat et le capitalisme ! Défendons la vie face à l’austérité et à la précarité! Un enfant, un avortement : les femmes décident !
Le droit à l’avortement n’est jamais acquis tant que les courants conservateurs, réactionnaires, intégristes ou moralisateurs parviennent à s’engouffrer dans les brèches de notre vigilance. En Europe et dans le monde, il reste essentiel de continuer à se battre pour que chaque femme dispose pleinement de son corps.
La LCR et les JAC seront dans les rues ces 29 janvier et 30 mars, en revendiquant:
– La contraception et avortement assisté libres et gratuits. Les moyens d’appliquer la législation (délais, démarches préalables, droit des mineures) doivent être garantis;
– L’exclusion totale de l’avortement de tous les codes pénaux. La reconnaissance d’un quelconque « statut de l’embryon » doit être proscrite de toute législation;
– Le soutien structurel, en personnel et en moyens, aux centres de santé et de planning familial qui pratiquent les IVG, promeuvent et défendent les droits sexuels et reproductifs;
– La création de centres publics d’information sexuelle et contraceptive dans les écoles, les entreprises, les quartiers, les hôpitaux;
– La laïcité, pour une totale indépendance des politiques publiques par rapport aux religions.
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