Le lever de bouclier de la société contre la politique d’austérité a fait ressurgir la question du « tax shift ». Tout reste néanmoins très vague. Ainsi, aucune distinction n’est faite entre un impôt sur la fortune et un impôt sur les revenus du patrimoine.
Un impôt sur les revenus du patrimoine impose les revenus que rapporte un bien. Le précompte mobilier libératoire, l’impôt des sociétés ou encore le précompte immobilier en font partie. Ces impôts sur certains revenus du patrimoine sont sensiblement moins élevés que les impôts prélevés sur les revenus du travail. Ils sont également injustes. En effet, tous les propriétaires d’un bien immobilier sont imposés.
Même ceux qui ne tirent aucun revenu de ce bien immobilier parce qu’il s’agit de leur habitation. Les plus-values réalisées sur la vente d’actions ne sont pas non plus imposées. Un impôt sur les revenus vise à imposer directement la possession de biens. Encore une fois, il est utile de donner quelques précisions. Ce n’est pas parce qu’une personne possède un bien qu’elle fait partie des classes fortunées. Un ouvrier, qui est le propriétaire de son logement familial, doit continuer à travailler pour vivre… contrairement aux riches détenteurs de capitaux. Ces derniers perçoivent leurs revenus du capital. Ils disposent de plusieurs milliards dont ils se servent pour augmenter leurs profi ts. Ce sont eux qui parviennent à échapper aux impôts (il suffi t de voir l’aff aire du LuxLeaks).
En mai 2014, le « Centrum voor Sociaal Beleid de l’Université d’Anvers » a constaté que les 10 % des plus fortunés détenaient 44 % du patrimoine net. À eux seuls, ils possèdent donc plus de richesses que 80 % des autres Belges, tous ensemble.
C’est uniquement pour ces 10 % (dont le patrimoine familial s’élève en moyenne à plus de 2 millions d’euros) qu’un impôt sur la fortune s’impose. Souvent, ils n’ont jamais payé d’impôt en amassant ce capital, ou alors très peu, grâce à des conditions fiscales avantageuses.
Un impôt sur la fortune des 10 % des Belges les plus riches doit dès lors être considéré comme un arriéré dû par le grand capital à la société. C’est plus que légitime et nécessaire.
Un impôt sur les revenus, substantiel et unique, sur les 10 % des Belges les plus riches – et surtout sur les revenus des 1 % de Belges les plus riches (dont le patrimoine s’élève à plus de 8 millions en moyenne) – nous permettrait de réduire la dette publique de 20 % du PIB. Nous dégagerions ainsi des marges pour réaliser des investissements publics responsables (dans le logement, l’enseignement, l’accueil des enfants, la mobilité, etc.) – sans que des millions de personnes croulent pour autant sous les impôts.
Un impôt annuel sur les revenus des Belges les plus riches renforcerait la justice fi scale structurelle (les épaules les plus fortes supportent les charges les plus lourdes).
Est-ce qu’un impôt sur la fortune est techniquement réalisable ? Indubitablement, à condition que le fisc ait accès aux données nécessaires. De la même façon qu’il a aujourd’hui accès à toutes les données de revenus des salariés, des pensionnés, des chômeurs, des malades, des invalides, etc. Grâce à la numérisation poussée, il est possible de suivre facilement tous les mouvements de capitaux. Par ailleurs, n’oublions pas que les actions, les obligations, les options, les warrants … sont obligatoirement nominatifs. Le secret bancaire de fait est toujours d’application mais… il est de plus en plus controversé. Il est également nécessaire d’établir un cadastre des fortunes, ce qui serait relativement simple à réaliser grâce aux technologies actuelles.
Il ne manque qu’une chose pour instaurer un impôt sur la fortune des Belges les plus riches, c’est la volonté politique.
C’est aux syndicats et aux autres organisations de la société civile de créer un rapport de force et de remporter un soutien suffi samment important au sein de notre société et du monde politique afin de lever défi nitivement le secret bancaire, d’établir un cadastre des revenus et prélever un impôt sur le grand capital.
Comme vous pouvez le voir l’austérité n’est pas la seule issue à la crise, c’est un choix politique que nous rejetons à la CGSP/FGTB, toutes les actions de ces dernières semaines sont plus que jamais justifi ées !
(*) Carte blanche de Johan Seynaeve, An Snoeckx, Peter Veltmans, Carine
Meerschaut, Alfons Bryns, Katelijne Meulebroeck, Hubert Eerdekens
en Jakke Jacobs, délégués CGSP-ACOD du SPF Finances, publiée dans
« De Morgen » du 10 décembre 2014.