Le 21 février 1965, un commando de 5 personnes investit le lieu où Malcolm X tenait une conférence et ouve le feu sur Malcolm qui meurt. Le chef présumé du commando était lié à la NOI (Nation of Islam), organisation politique et religieuse avec laquelle Malcom avait rompu plusieurs mois auparavant. Le rôle exact de la CIA dans cette exécution n’a, comme souvent, jamais été élucidé…
Aujourd’hui, de Malcolm X il subsiste essentiellement un nom, dont chacun sait qu’il est incompatible avec l’oppression. Ce révolutionnaire noir américain n’a vécu que quarante ans, mais sa vie en contient plusieurs, toutes mouvementées. Sa constante évolution politique s’est accélérée la dernière année de son existence et a été fauchée, en plein élan, par ses assassins. En ôtant à la contestation noire un de ses leaders les plus radicaux et les plus respectés, les assassins ont retiré une sacrée épine du pied des classes possédantes et privé les classes exploitées, qu’elles soient noires ou blanches, de perspective d’unité.
De l’enfermement à l’engagement religieux
Enfant d’un pasteur baptiste assassiné, une des nombreuses victimes du climat raciste ambiant, Malcolm voit sa vie basculer dès l’âge de 6 ans. Emporté par les remous de cette terrible période de l’histoire des États-Unis, il va tenter de survivre. À 9 ans, Malcolm Little vole et est placé en foyer. À 13 ans, l’assistance publique le confie à une nouvelle famille. Un an plus tard, c’est la maison de redressement dans le Michigan, après que sa mère eut été enfermée dans un hôpital psychiatrique d’où elle ne sortira que 24 ans plus tard. Inscrit au lycée, il imagine un temps devenir avocat, jusqu’au jour où un professeur lui réplique qu’un « nègre ne pourra exercer qu’un métier manuel »… À 16 ans, Malcolm part finalement pour Boston et survit de petits boulots et de trafics en tout genre : vol, deal, jeux, prostitution… Malcolm se fait épingler pour cambriolage : il est condamné à 10 ans de prison. Sa vie bascule à nouveau.
En prison, il rejoint les rangs de la NOI (Nation de l’islam), « les black muslims », adeptes d’un séparatisme noir basé sur « l’islam ». Abandonnant son « nom d’esclave », Little devient X. Il s’engage activement et, une fois libéré, prend vite des responsabilités, devient pasteur de la mosquée de Detroit, puis de celle de Harlem… Malcolm impressionne par son charisme et son talent d’orateur : ses réunions sont bondées, ses manifestations des succès, ses articles dans la presse circulent et sortent des frontières.
Nouvelles convictions
Il profite de son premier pèlerinage à La Mecque pour voyager et tisser des liens avec tous les leaders des pays qui luttent pour leur libération nationale : il rencontre l’Égyptien Nasser, le Cubain Castro, l’Algérien Ahmed Ben Bella et le Congolais Patrice Lumumba. Et plus Malcolm prend son envol militant, plus la direction de son mouvement prend ses distances avec lui.
Sa popularité gêne et de nouvelles convictions le gagnent : celle de l’unité des oppriméEs pour peu que celle-ci soit respectueuse des identités qui veulent s’affirmer comme telles. Le particulier devient alors à ses yeux compatible avec l’universel, s’ouvrant ainsi à l’étendue de la diversité culturelle du pèlerinage auquel il participe. Car c’est bien par cette entrée religieuse qu’il rompt progressivement avec l’idée de séparatisme racial. De quoi faire bondir 50 ans plus tard les islamophobes de tout poil qui aiment s’écouter éructer sur le thème que l’islam porterait en lui le gène du communautarisme…
L’évolution politique de Malcolm a un prix : en mars 1964, il rend publique sa « déclaration d’indépendance » et fonde une nouvelle organisation : l’« organisation pour l’unité afro-américaine ». C’est sa troisième vie.
« Montrez-moi le capitaliste, je vous montrerai le vautour »…
Malcom veut désormais agir avec toutes celles et ceux qui, indépendamment de leur race, aspirent à renverser le système capitaliste qui opprime les noirs. Il rejette aussi le sectarisme passé et propose l’unité du mouvement noir. Le rapprochement s’opère avec Martin Luther King, qui, lui-même, est obligé d’admettre que le mouvement pour les droits civiques, fondé sur la non-violence et la stratégie d’intégration raciale, connaît des limites. Car, malgré des victoires significatives, les attentats racistes et les humiliations continuent. La CIA place dorénavant la « révolution noire » de Malcolm dans sa ligne de mire… jusqu’à ce 21 février 1965.
Au-delà de son parcours, la vie de Malcolm illustre l’épopée de millions de personnes qui ont résisté au racisme, au mensonge d’une société capitaliste américaine dont l’essor économique est basée, en très grande partie, sur un génocide, celui de l’esclavage. Pour gagner le respect, des militants, des boxeurs, des chanteurs, des athlètes combattront, bravant les injures, les humiliations, les menaces ou les assassinats.
Ainsi, Tommie Smith, en levant son gant noir sur la première marche du podium des Jeux olympiques en 1968 a rappelé, sur fond d’hymne américain, que la lutte continuait. Mohamed Ali hurlait la même chose avant et après chaque match de boxe. Et Mumia Abu-Jamal, membre des Blacks Panthers, condamné à mort en 1982, croupit toujours dans les prisons des États-Unis…
Source : NPA