Après les élections de mi-mandat de novembre 2014, et face aux dévelopements de divers mouvements revendicatifs, comme celui pour le salaire minimum à 15$, ou les protestations qui s’expriment notamment au sein de la campagne « Black Lives Matter » contre les assassinats racistes de la police américaine, plusieurs organisations et courants de la gauche radicale commencent à explorer les moyens d’une coopération accrue de la gauche politique et indépendante.
Les 2 et 3 mai derniers, plus de 200 militants issus de diverses organisations politiques, mouvements et structures syndicales se sont réunis pour la conférence « l’ Avenir de la Gauche » , à l’appel des principales organisations se réclamant du « socialisme », de l’écologie politique ou du mouvement ouvrier et syndical. L’objectif de cette première conférence était de lancer la discussion sur les moyens à mettre en œuvre pour collaborer et établir une vaste alternative de gauche au Parti Démocrate. Des militants et responsables nationaux, locaux, des candidats aux élections de mi-mandat (1) , des élus locaux du Green Party, du Peace and Freedom Party, de l’Alliance Progressiste de Richmond ainsi que des militants de Socialist Alternative, de Solidarity et de l’International Socialist Organization (2) ont débattu pendant deux jours des difficultés à mener des campagnes politiques, à remplir leurs mandats locaux tout en s’efforçant de développer les mouvements de masse et à impulser des campagnes politiques progressistes.
Face à la crise économique et sociale persistante, au large soutien public à des mouvements tels qu’ Occupy, Black Lives Matter ou Fight for 15$, et à l’indéniable dynamique positive des campagnes des candidats de la gauche indépendante, les participants ont exprimé leur optimisme quant à la possibilité de ne plus seulement présenter des candidats, mais également de construire une plus large présence politique de la gauche, en développant son expression et en s’engageant dans la construction et le développement des mouvements sociaux. A travers des ateliers précis, les organisateurs ont mis l’accent sur la nécessité de débouchés politiques pour des mouvements tels Black Lives Matter ou Fight for 15$, en tout premier lieu.
D’autres ateliers de travail ont été consacrés à la situation internationale, avec la participation de militants de Syriza, de Podemos ou de l’Alliance Rouge et Verte du Danemark, ainsi qu’à l’histoire de la lutte politique aux USA , de ses courants historiques, tels que le « Socialist Party » ou le « Progressive P arty » et aux mouvements de libération noirs. A l’issue des deux journées de conférence, Robert Caldwell (de Solidarity) et Debra Reiger (présidente du Parti pour la Paix et la Liberté de Californie) ont présenté au nom du comité d’organisation, un rapport final qui mettait l’accent sur le nombre et la diversité des participants, l’esprit de collaboration et la richesse des débats. Ils ont annoncé la création d’un comité de suivi qui aurait pour tâche de maintenir et de développer le réseau créé pendant ces journées. La conférence pour l’Avenir de la Gauche a ainsi représenté un important pas en direction d’une politique indépendante et d’une coopération entre les forces de la gauche radicale. Il leur faudra maintenant trouver les voies pour y agréger de nouveaux militants et de nouveaux groupes, tout en continuant les campagnes et les mouvements au plan local.
Le défi des élections
Même si la question de l’élection présidentielle de 2016 ne figurait pas formellement à l’ordre du jour de la conférence, les participants ont eu à débattre de la candidature du Sénateur (indépendant) du Vermont, Bernie Sanders, aux primaires du parti Démocrate. En lançant sa campagne , le 2 mai, celui-ci a appelé à une « révolution politique » contre les milliardaires et les oligarques qui ont piraté le système politique. Il a expliqué sa décision de concourir aux primaires démocrates en disant : « nous avons besoin d’une révolution politique dans ce pays, qui impliquera les millions de personnes prêtes à se lever et à dire « c’est assez ». Je suis prêt à prendre ma part dans cet effort ». En quatre jours, Bernie Sanders avait recueilli plus de 100 000 mille signatures de soutien sur son site de campagne et plus de 75 000 donateurs, pour un montant de plus de trois millions de dollars.
L’opportunité d’un soutien à cette candidature divise, pour l’instant, les organisations de la gauche radicale. Bhaskar Sunkara, le rédacteur en chef de la revue unitaire et de référence « Jacobin » , par exemple, ou une cinquantaine de militants emblêmatiques du mouvement Occupy, s’engagent pour la campagne de Bernie Sanders, en expliquant qu’il s’agit là d’une opportunité unique de faire rentrer les thèmes anti-austérités, anti-impérialistes et anti-racistes dans le débat politique et qu’elle permettra de mobiliser bien plus largement, au sein de l’aile gauche du parti démocrate. D’autres militants, comme Ashley Smith, (International Socialist Organization) sont beaucoup plus circonspects. Ils insistent sur l’absence totale de chances pour Sanders d’être désigné comme le candidat démocrate et s’inquiètent de son probable ralliement à Hillary Clinton après les primaires. Ce qui le disqualifie définitivement à leurs yeux, le rendant suspect d’une « chasse aux voix de gauche » pour le compte de l’establishment.
Si le débat ne faisait que commencer au cours de la conférence « l’Avenir de la Gauche », qui se déroulait le lendemain de l’annonce de la candidature de Bernie Sanders, de nombreux participants regrettaient que Sanders aie choisi de se présenter aux primaires démocrates plutôt que de mettre en œuvre une candidature indépendante, autour de laquelle il aurait été plus facile de constituer un clair mouvement de soutien de gauche. La question, posée notamment par Socialist Alternative, de savoir ce que ferait Sanders après les primaires, s’il maintiendrait ou non une candidature indépendante, reste ainsi ouverte. Au cours des prochains mois, la question d’un soutien critique sera donc au centre des débats des forces de la gauche radicale. Elle prendra tout son sens si les forces politiques, les mouvements et les structures syndicales et associatives les plus impliquées dans les luttes locales sont capables de s’en emparer et de peser ainsi sur les contenus et les formes de la campagne du sénateur indépendant, et auto-proclamé « socialiste » Bernie Sanders.
Source : Ensemble