C’est la question que des milliers de militant.e.s se posent en Belgique, en cette période des fêtes de fin d’année.
Comme prévu, la grève de 24 heures du 15 décembre a été un énorme succès. Tout le pays a été paralysé. La mobilisation des dizaines de milliers de syndicalistes a été très impressionnante…
Mais les anciens le disent : « Nous ne sommes pas en décembre 60 ». La grande masse n’est pas prête aujourd’hui (cela peut changer) à entamer une lutte au finish. Elle suit ses délégué.e.s, et ceux-ci suivent les mots d’ordre de leurs organisations… tout en exerçant au sein de celles-ci une pression qui, si elle est assez forte, pèse sur le sommet.
Cette dialectique interne au mouvement syndical est typique de la Belgique, avec ses organisations peu politisées mais très massives et bien structurées, reposant sur un réseau de dizaines de milliers de militant.e.s actif.ve.s participant à quantité d’instances intermédiaires.
La grève du 15/12 était la dernière étape du plan d’action adopté par le front commun syndical. Dès le lendemain, le Premier ministre confirmait le maintien de ses mesures d’austérité. Mais aucune entreprise, aucun secteur n’a débordé les consignes syndicales. Même pas dans le secteur public, où un préavis de grève illimité avait été déposé.
Plusieurs ministres l’ont dit : les alternatives que formuleraient éventuellement les « partenaires sociaux » devraient s’inscrire dans le cadre de l’accord de gouvernement, et celui-ci tranchera en dernière instance. N’empêche que les responsables syndicaux se sont précipités à une « concertation » avec les patrons, deux jours après la grève. Ce n’est que le 13 janvier qu’ils se reverront pour décider –ou pas- un deuxième plan d’action.
La concertation a porté sur des questions pendantes depuis de longs mois et qui n’ont pas de rapports directs avec le programme de la coalition de droite. Un mini-accord a été conclu, qui sera soumis au gouvernement pour approbation. Celui-ci se félicite évidemment de la reprise du dialogue, et les représentants syndicaux font de même. Du coup, la tension semble diminuer. Mais cet apaisement est trompeur.
Il est trompeur parce que la question décisive est de savoir si les syndicats s’inclineront face aux diktats du gouvernement des patrons : la pension à 67 ans et les autres mesures sur la fin de carrière, le saut d’index et le blocage des salaires, les coupes dans le secteur public, la déstabilisation de la Sécu, pour ne pas parler des mesures contre les femmes, les jeunes et les sans-papiers.
Le mouvement entamé le 6 novembre a mis la pression sur le parti démocrate-chrétien flamand (CD&V). Incluant en son sein des représentants du Mouvement Ouvrier Chrétien (dont le syndicat chrétien fait partie), le CD&V est le maillon faible de la coalition. Rompu à la collaboration de classe, il propose une ponction fiscale limitée sur les revenus du capital, dans l’espoir de briser le front commun syndical… et de sauver son électorat populaire.
Il est douteux que cette ligne l’emporte au sein de la majorité, où les partisans d’une ligne à la Thatcher tiennent le haut du pavé. De plus, la marge de manœuvre est extrêmement réduite, voire nulle. La Commission européenne et le FMI encouragent le gouvernement à aller plus loin dans ses attaques. Les tensions dans la majorité sont une source d’espoir pour le PS dans l’opposition, pas pour la masse des travailleurs.
Confrontés à une violente campagne médiatique, et incapables d’assumer la portée politique de leur action, les syndicats ont décidé abruptement de lever le pied « pour donner une chance à la concertation ». Ce repli est dangereux. Car les appareils ne tarderont pas à se retrouver devant le choix : soit mobiliser plus largement leurs 3,5 millions d’affilié.e.s, soit laisser la classe dominante gagner une bataille stratégique. Plusieurs secteurs ont annoncé que, pour eux, le combat continue.