En Amérique latine, le cycle de gouvernements progressistes qui gouvernaient le continent depuis une quinzaine d’années semble arriver à sa fin. Après l’élection du néolibéral Macri à la présidence de l’Argentine, la droite vient d’emporter une large victoire contre Nicolás Maduro, le successeur d’Hugo Chávez.
Les résultats des élections législatives du 6 décembre sont sans appel. La coalition de droite regroupée au sein de la Table de l’unité démocratique (MUD) a emporté 56 % des suffrages exprimés, contre seulement 40,5 % pour l’alliance favorable à l’héritage d’Hugo Chávez, regroupée autour du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV).
Le parti chaviste est défait
La MUD obtient la majorité qualifiée des deux tiers des députés, obtenant les pouvoirs les plus larges. Nicolás Maduro demeure président jusqu’en 2019, mais l’Assemblée nationale est désormais en mesure de convoquer légalement une Constituante.
Les forces dissidentes, dont nos camarades de Marea Socialista et du PSL, demeurent marginales, prisonnières de la bipolarisation qui structure la vie politique vénézuélienne depuis l’accession de Chávez au pouvoir en 1999.
Si le PSUV fait quasiment jeu égal avec l’opposition dans les États ruraux, il subit une nette défaite dans les zones urbaines, y compris parmi les classes populaires. Le gouvernement met en avant la chute du cours du pétrole, qui a perdu la moitié de sa valeur depuis l’automne 2014, pour expliquer ses difficultés. Il accuse les élites économiques de mener une « guerre économique » pour déstabiliser la « révolution bolivarienne ».
Divorce avec les classes populaires
Ces explications sont légères pour comprendre l’ampleur de la désaffection. Un certain nombre de mesures autoritaires peuvent expliquer le divorce entre le gouvernement chaviste et les classes populaires urbaines. En août dernier, Nicolás Maduro a instauré l’Organisation de libération et de protection du peuple (OLP) pour restaurer l’ordre dans les quartiers populaires. Les organisations de défense des droits de l’homme font état d’une cinquantaine de disparitions et de plusieurs milliers de personnes arrêtés. Le 15 septembre dernier, Bladimir Carvajal, syndicaliste revendicatif à PDVSA, l’entreprise pétrolière publique, a été expulsé par la Garde nationale du bus qui l’emmenait à son travail, et informé de son licenciement.
Le principal motif de mécontentement des classes populaires vénézuéliennes demeure la situation économique. En 2003, face au blocage de l’économie déclenché par le patronat, Hugo Chávez avait instauré un contrôle des changes. Douze ans plus tard, détourné par les grandes entreprises par surfacturation d’importations avec la complicité de hauts dirigeants gouvernementaux, celui-ci s’est effondré. Des économistes ont estimé à plus de 250 milliards de dollars cette fuite de capitaux. La différence entre le taux de change officiel et officieux atteint une échelle de 1 à 100. Ce déséquilibre monétaire crée une pénurie de produits importés et une inflation dépassant les 100 % pour l’année 2015.
La revanche du patronat
La nouvelle coalition au pouvoir a pour objectif prioritaire la libération de ce qu’elle appelle des prisonniers politiques, des dirigeants des fractions les plus intransigeantes de l’opposition comme Leopoldo López qui ont appelé à des manifestations pour obtenir « la sortie » de Nicolás Maduro avant le terme constitutionnel. Mais cette amnistie ne concernerait pas un militant syndical comme Rodney Álvarez ou les indigènes pémons en lutte contre des projets miniers dans le sud du pays.
La victoire de la MUD permet au patronat de sonner l’heure de la revanche sociale contre les classes populaires qui se sont si souvent mobilisées pour soutenir les gouvernements Chávez. La présidente d’une organisation patronale a déjà appelé à la modification de la loi du travail pour « donner confiance aux entrepreneurs ». Les propositions de la MUD vont grever le pouvoir d’achat déjà faible des classes populaires vénézuéliennes : dévaluation massive du bolívar, libération des prix sur les produits de première nécessité, augmentation du prix de l’essence, reprivatisation de plusieurs entreprises nationalisées dans le secteur électrique…
La défaite du chavisme ne signifie pas l’échec du projet de socialisme du 21e siècle. La direction du PSUV a choisi de demeurer dans les écueils de celui du 20e, ceux du bureaucratisme et d’une politique conciliante, et en subit les conséquences. Une société émancipée demeure à l’ordre du jour si les classes populaires reprennent le chemin des luttes pour un socialisme véritable qui ne soit plus dépendant de la rente pétrolière.
Source : NPA