Alors que le Brésil a connu ces derniers mois les plus massives mobilisations populaires depuis une vingtaine d’années, qu’en Colombie la révolte paysanne marque un saut qualitatif par rapport à la situation d’avant et que les élections en Argentine accentuent la crise du système Kirchner, le Venezuela approche des élections municipales du huit décembre.
C’est cette échéance qui devait, pour la droite anti-chaviste, représenter le point de départ pour le renversement du président Maduro et pour anéantir les conquêtes de quinze ans de « révolution bolivarienne ».
L’enjeu est, donc, de taille.
Lors des élections présidentielles du 14 avril, la droite emmenée par le gouverneur de l’Etat de Miranda, le deuxième le plus peuplé du pays, Henrique Capriles Radonski avait crié à la fraude électorale, Nicolas Maduro ayant été élu avec moins de 200’000 voix d‘avance.
Provoquer le chaos
Mais, au lieu d’épuiser les voies légales pour contester la victoire du dauphin d’Hugo Chavez – réélu, lui, en octobre 2012 avec 56% des voix contre 44% à Capriles – c’est dans une véritable guerre économique que s’est engagée la bourgeoisie vénézuélienne. C’est elle qui a organisé la pénurie de biens de première nécessité, à l’exemple du papier de toilette devenu introuvable, ce qui a favorisé la spéculation et la pratique de prix d’usuriers et renforcé l’inflation devenue galopante.
Le dessein était clair : c’est du mécontentement populaire, du chaos, que devait surgir la défaite des candidats chavistes, défaite sur laquelle Capriles s’apprêtait à exiger le départ de Maduro et l’ouverture d’un processus constituant censé anéantir les acquis du processus bolivarien. L’adoption par le Parlement, le six novembre, de la « Loi d’habilitation » -qui confère à l’exécutif des pouvoirs spéciaux en matière de lutte contre l’accaparement et la spéculation- semblerait répondre aux aspirations des couches populaires. Et éloignerait, du coup, mais le conditionnel reste de rigueur, le spectre d’une victoire de la droite.
L’adoption de la loi est considérée positivement par les courants de gauche du Parti Socialiste Unifié du Venezuela, en particulier par la direction du courant Marea Socialista qui dans un document du 17 novembre la qualifie cependant « d’insuffisante » et plaide pour « l’ouverture d’une nouvelle étape (…) anticapitaliste », du processus bolivarien.
Pour un nouveau modèle productif
Retraçant les différentes étapes du processus, de la première élection d’Hugo Chavez aux mobilisations des années 2002, 2003 et 2004, « le moment le plus chouette de la Révolution », et à l’instauration, lors des dernières années, d’une « économie mixte », le document dénonce l’accaparement des dollars de la rentre pétrolière, par l’oligarchie traditionnelle et par la « bolibourgeoisie ». Echappant au contrôle public, des masses de dollars -30’000 millions en 2009, par exemple- fuient le pays et n’y sont pas investis.
De ce fait, c’est toute la production locale qui vient à faire défaut, ce qui oblige le pays à importer massivement les biens de consommation. A titre d’exemple, cette année, le nombre de véhicules produits devrait atteindre … 28% des capacités de production de l’industrie automobile vénézuélienne. Ce sont donc des véhicules nord-américains qui sont importés alors que le pays manque cruellement de tracteurs et autres machines agricoles et, partant, de biens de première nécessité que l’on achète… à l’étranger.
C’est pourquoi, Marea socialista propose, pour briser « la malédiction de la rente », la mise en place d’un nouveau modèle productif. Celui-ci devrait se fonder sur une révolution agraire, la priorité des priorités, favorisée par une politique de réorganisation industrielle planifiée démocratiquement, par le monopole d’Etat sur le commerce extérieur, le crédit et le change et l’instauration d’une limite stricte et dégressive de la part de la rente pétrolière consacrée à l’importation de biens de consommation.
Avec ce peuple irrévérent et rebelle
Mais de telles mesures, ne sont pas un cadeau du ciel. Face à la détermination de la bourgeoisie, Marea Socialista explique que ces questions « ne peuvent trouver de réponse que dans le développement des luttes ». Aussi, le document insiste sur la nécessité de stimuler « la participation active et démocratique du peuple bolivarien », ce peuple qui a su riposter à toutes les tentatives de s’en prendre à ses conquêtes, à commencer par le coup d’Etat contre Chavez d’avril 2002.
Il s’agit, de « convertir chaque usine, chaque entreprise, chaque communauté, lycée, université, quartier, rue, village en un énorme atelier de construction de la politique révolutionnaire pour la nouvelle étape ». Pour que, pour reprendre les conclusions du document, « ceux qui veulent construire la politique nécessaire pour faire face aux difficultés actuelles sans la participation active de ce peuple (…), ceux qui ne veulent pas comprendre que l’indépendance nationale et le socialisme sont les enjeux de la lutte, sachent que, tôt ou tard, ils auront à affronter ce peuple irrévérent et rebelle ».
A suivre, donc…
photo 1: Sébastien Brulez
photo 2: Photothèque Rouge/Sébastien Ville
source: l’Anticapitaliste ( Suisse )